Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1

6 parismatch DU 19 aU 25 novembre 2020


culture
MUSIQUE

Interview Karelle Fitoussi
@KarelleFitoussi

paris match. “nuit à jour” se rapproche plus de
“L’imprudence” d’alain bashung que du dernier
Julien Doré. ce sont ces univers sombres, rocail-
leux qui vous attirent?
pierre richard. Ah oui, c’est sombre, rock, j’adore
Bashung. Qui n’aime pas Bashung? C’est un grand
poète. Je connais moins Julien Doré... Forcément, vu
mon âge, j’ai eu d’autres passions. Nougaro notam-
ment. Brassens aussi, mais Brassens, c’est autre chose,
je l’ai connu. D’ailleurs, je me demande si je n’ai pas fré-
quenté plus de musiciens dans ma vie que d’acteurs!
vous qui dites ne vous être jamais senti intégré au milieu du
cinéma, vous avez été ami avec François de roubaix, avez
côtoyé Gainsbourg, barbara, brassens justement...
Oui, François de Roubaix, c’était carrément un ami.
Nougaro, j’étais même voisin avec lui à une époque où j’habitais
à Montmartre. On avait un mur mitoyen. Quand il avait
15 musiciens chez lui pour répéter l’Olympia, j’avais le concert
chez moi. [Il rit.]
votre première révélation a été la comédie musicale “Un fou
s’en va t’en guerre”... vous auriez rêvé devenir chanteur?
J’étais en effet peut-être plus proche à mes débuts de la
comédie musicale que de la comédie. Dernièrement, j’ai d’ailleurs
revu “Chantons sous la pluie”, et à chaque fois, je reste bouche
bée. Fred Astaire, Gene Kelly me parlaient plus que
n’importe quel acteur. Sauf que ce n’était pas telle-
ment le style français de faire de la danse. Mais j’ai pris
des cours de danse. Mon prof s’appelait Jay Robinson,
il n’y avait que des Noirs dans le cours, j’étais le seul
Blanc. J’adorais ça. J’ai d’ailleurs failli aller chez Béjart.
Mais le jour où Béjart m’a engagé, Brassens m’a
engagé aussi avec Victor Lanoux pour qu’on fasse ses
premières parties à Bobino, j’ai fait “aaaaaaah” [il
regarde ses deux mains comme si le choix était corné-
lien] et je suis allé chez Brassens.

Il aurait rêvé être un acteur de muet,
le voici qui égrène les mots comme des
friandises sur un disque nocturne et fiévreux,
« Nuit à jour », adapté d’un livre d’Ingrid
Astier qui donna lieu jadis à un merveilleux
spectacle, « Petit éloge de la nuit »,
que le Grand Blond joua seul sur scène
accompagné d’un musicien au Théâtre
du Rond-Point puis à La Scala. A mille lieues
de son personnage d’éternel distrait,
acteur fétiche de Veber et compère
de Gégé Depardieu, Pierre Richard n’est
certainement pas à une surprise près.

avoir le choix entre maurice béjart et Georges brassens, ça
démarrait bien.
[Il rit.] J’aurais pu rater les deux. Je n’ai jamais connu
personne comme Georges, qui irradiait par sa seule présence. Un
personnage au côté duquel on se sentait heureux. J’ai connu
plein de gens que j’adore. Mais lui c’était plus que ça... C’est peut-
être ça que les apôtres ressentaient à côté de Jésus-Christ. Je me
souviens que je me réveillais le matin en me disant : “Mais pour-
quoi je suis si bien? Ah bah oui, ce soir je vois Georges !” On a fait
trois ou quatre fois sa première partie.
vous vous êtes fait chanteur plusieurs fois dans vos films de
réalisateur. Dans “on peut toujours rêver”, vous repreniez
“La bohème”...
Oui, mais je n’aurais jamais pu être chanteur parce que,
c’est curieux, je n’arrive jamais à retenir une chanson. Un jour, je
suis parti de Paris pour aller à Aix-en-Provence en voiture, j’ai
mis un titre de Gainsbourg en me disant : “Je la saurai en arrivant
à Aix”, eh bien à Aix, j’avais encore des trous. Ça mériterait d’al-
ler voir un psychanalyste à ce point-là! Donc tout ce que j’ai pu
faire c’est parce que c’était enregistré dans un studio. Dany
Boon, par exemple, m’a dit : “Tiens, toi tu vas faire ‘Que je
t’aime’ en patois du Nord [dans ‘La ch’tite famille’, NDLR]. J’ai
enregistré au studio. Mais si vous me demandez de chanter sur
« Nuit à jour » scène, j’ai un trou.
(Modulor),
sortie le 27 novembre.
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