Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1

62 parismatch DU 19 aU 25 novembre 2020


asqués, reclus à domicile et
contraints au télétravail, nous
continuons de manipuler des
objets, de poser nos doigts sur des
surfaces que d’autres personnes,
possiblement contagieuses, ont
effleurées. Cette voie de contami-
nation fait l’objet d’études depuis
février dernier, lorsque le paque-
bot de croisière « Diamond Princess » fut
évacué de ses 3 700 passagers. Parmi eux,
697 attrapèrent le Covid-19. On décou-
vrit alors que du Sars-CoV-2 avait sur-
vécu jusqu’à dix-sept jours en certains
endroits. D’autres laboratoires, ayant
affiné cette trouvaille inquiétante, ont
établi que ce coronavirus fait montre
d’une exceptionnelle capacité à se main-
tenir dans l’environnement, bien plus
longue que celle des virus grippaux.
Dans une étude publiée par le
« Virology Journal », l’organisation
nationale australienne de recherche
scientifique calcule ainsi qu’il persiste
vingt-huit jours sur de l’Inox, du verre,
du papier et du plastique à température
environnante de 20 oC. Si celle-ci grimpe
à 30 oC, il résiste sept jours et, lorsque
le thermomètre atteint les 40 oC, il dis-
paraît après quarante-huit heures. « Ces
expériences ne reflètent pas notre vie
quotidienne », relativise la professeure
Astrid Vabret, spécialiste des corona-
virus depuis vingt ans. La réalité est en
effet plus complexe, car ce maintien
dépend de l’humidité, de l’air circulant
ou pas et de la lumière, dont le Covid
supporte mal les UV. S’il peut subsister
quatre semaines sur une feuille posée sur
une paillasse de laboratoire, il n’arrivera
pas à tenir aussi longtemps si celle-ci
est posée devant une fenêtre régulière-
ment ouverte. Hors de nos corps, il se
dégrade car il n’est pas une entité bio-
logique vivante ; il a besoin d’une cellule,
dont il utilise l’énergie pour fabriquer ses
constituants. « La  présence de ces mor-
ceaux d’ARN sur des surfaces n’implique
pas forcément que le virus puisse encore
infecter quelqu’un », modère Alexandra
Peters, chercheuse aux hôpitaux uni-
versitaires de Genève et responsable
du programme de recherche « Clean
Hospitals ». « Quand on essaie de réin-
fecter une cellule avec ces morceaux
prélevés, cela ne marche pas bien. » La
spécialiste suisse estime ainsi qu’il est
parfaitement inutile de désinfecter une
salle de classe dont les enfants auraient
été absents trois jours : les morceaux de
virus n’y sont plus contagieux.

Là où tout se complique, c’est que le
virus n’arrive pas tout seul sur une
surface. Il y est projeté par un crachat, du
mucus, des gouttes de salive. « Entouré
de ces protéines, il est protégé et demeure
capable d’infecter », précise encore Astrid
Vabret, chef de service au CHU de Caen.
Autrement dit, si une personne conta-
gieuse, non masquée, s’essuie le nez puis
touche un paquet de biscuits dans un
rayon de supermarché, paquet que vous
attrapez une minute après, vos mains
emportent du virus actif. Or, présent sur
les mains, celui-ci s’étale sur tout le corps
en moins d’une heure. « Nous nous tou-
chons le visage plusieurs fois par heure.
C’est ainsi que nous l’apportons jusqu’aux
muqueuses nasales et buccales, depuis
lesquelles il trouve des cellules pour se
reproduire », poursuit Astrid Vabret. Qui
observe que, bien qu’emportés dans une
terrifiante vague épidémique, nous mani-
pulons avec désinvolture certains objets
hautement contaminants. Le plus dange-
reux, à l’en croire, ne serait donc pas de

covid


la


liste


de


nos


ennemis


Par Emilie Lanez


Claviers, portables, briquets...


Le danger est à portée


de main. Enquête auprès de


virologues


A ne partager sous aucun
prétexte. De toutes les bombes
virales, le téléphone
portable est la plus explosive.
Free download pdf