Beef_Magazine_N_20__D_233_cembre_2018-F_233_vrier_2019

(Maria Cristina Aguiar) #1

D


es tranches de rôti tendres et
juteuses, arrosées de la sauce
savoureuse qui s’est formée dans
le plat pendant la cuisson.
Comment une telle merveille
a-t-elle pu quasiment tomber dans l’oubli?
En eff et, pendant des siècles, à part la gril-
lade à la broche, le braisage était de loin la
méthode de cuisson la plus répandue et la
plus appréciée pour les grandes pièces de
viande, fi landreuses ou grasses. Ce processus
est établi depuis le Moyen Âge : le mot
germanique occidental « smoren » désignait
déjà à l’époque la cuisson de la viande avec
peu de liquide sous un couvercle bien fermé.
L’ancêtre du récipient à braiser, la cocotte
ovale française, était tout d’abord en argile
ou en porcelaine. Avec ses échancrures sur
les côtés permettant une bonne prise en main
et son couvercle lourd, elle ressemblait à la
cocotte en terre cuite romaine, encore fabri-
quée de nos jours. Le plat à braiser très
apprécié dans les pays du Maghreb, le tajine,
avec son couvercle en pointe, est également
un précurseur des cocottes actuelles. Ces
dernières ont également été produites pour
la première fois en France au 19e siècle : la
partie principale, aux parois épaisses, était en
fonte d’acier noire, un matériau qui pouvait
être produit à moindre coût et transmettait
et répartissait bien la chaleur du four. Ce
dernier point est particulièrement important
pour les sources de chaleur ponctuelles
comme les vieux fours à bois. Ou divers
types de feu naturel, pour lesquels la marmite
en fonte introduite en Amérique par les
émigrants hollandais est à ce jour encore la
cocotte universelle idéale. Cependant, ces
récipients à braiser sont lourds, peuvent
rouiller et ne sont pas incassables. Pour cette
raison, les variantes actuelles émaillées sont

souvent constituées d’un corps robuste en
fonte d’aluminium ou en acier inoxydable,
indestructible mais conduisant moins bien la
chaleur.
Tous ont en commun leur aptitude pour
cette méthode de cuisson unique, pendant
laquelle ont lieu simultanément des
processus de rôtissage et de cuisson à la
vapeur. En même temps, le processus d’oxy-
dation est fortement réduit parce que l’éch-
ange d’air est stoppé. C’est pourquoi il
convient de dorer tout d’abord dans de la
graisse chaude les pièces de viande lourdes et
typiquement riches en collagène tirées de
l’épaule, de l’échine, de la hanche ou du
jarret. Cette opération permet la formation
d’une croûte qui empêchera la pièce à cuire
de se dessécher pendant la phase de braisage
au four sous un couvercle fermé, qui dure
souvent des heures. De plus, un peu de
liquide et quelques légumes au fond du réci-
pient ainsi que la vapeur à l’intérieur et les
gouttes de condensation qui tombent du
couvercle maintiennent la viande juteuse.
À la fin, la viande obtient souvent une
croûte encore plus savoureuse par un passage
sur la grille du four à chaleur tournante ou
sur le barbecue. Une caractéristique typique
du braisage est la température modérée du
four plus basse que celle employée pour la
cuisson d’un plat non fermé par un couvercle.
Dans le cas d’une cuisson à basse tempéra-
ture, autre méthode très ancienne, qui
exploite la chaleur résiduelle émise par un
four à bois tandis qu’il s’éteint pendant la
nuit, elle est de 90 à 100 degrés seulement.
Le plat braisé traditionnel alsacien, le
baeckeoff e, tient même son nom du grand
four de boulanger dans lequel on avait la
possibilité de faire braiser leur plat de viande
dans des terrines en argile fermées.

ON MET UN COUVERCLE ET C’EST TOUT : LE BRAISAGE EST LA MÉTHODE DE CUISSON


IDÉALE POUR TOUS CEUX QUI AIMENT AVOIR LA PAIX QUAND ILS CUISINENT.


CE QUI, VU DE L’EXTÉRIEUR, SEMBLE SIMPLE EST UN JEU COMPLEXE DE FORCES


PHYSIQUES À L’INTÉRIEUR.


▶ CONSEIL DE PRO


FERMER
LE RÉCIPIENT
HERMÉTIQUEMENT
Lors du braisage au four, un système
complexe et fermé de diŽ érents types
de chaleur et répartitions de
l’humidité se forme à l’intérieur du
récipient. Pour cette opération, un
couvercle posé sur le récipient, même
s’il ferme bien, ne su“ t pas, sauf
dans le cas d’une cocotte en terre
cuite, d’une marmite en fonte ou d’un
récipient spécialement conçu pour la
cuisson d’une oie muni d’un couvercle
très lourd. Dans tous les autres cas, il
convient de prendre des mesures
supplémentaires pour rendre le bord
étanche. Par exemple à l’aide d’une
feuille d’aluminium entortillée en
forme de saucisse, dans laquelle le
couvercle est pressé fermement
(éventuellement renforcé à l’aide
serre-joints). Des bords en pâte à sel
ou en argile permettent d’obtenir une
étanchéité encore meilleure.

CHAPITRE   BRAISER


Économie de l’ombre


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