Coup de Pouce - (02)January-February 2020

(Comicgek) #1

PHOTOS: GETTY IMAGES/E.



n prodige, un génie, un surdoué. Lucie a
entendu tous les qualificatifs pour décrire
son fils Raphaël, 13 ans, un passionné
d’échecs. «En vérité, ce n’est pas si simple, dit cette
mère de trois enfants. Oui, il a du talent et il adore
ça, mais il travaille très fort.» Son fils aîné enchaîne
les tournois, les championnats... et les victoires.
De fil en aiguille, cette technicienne administra-
tive de Montréal s’est intéressée à l’univers des
échecs. Le monde de Raphaël est un peu devenu
le sien. «À force de le reconduire et d’assister à des
parties, je me suis fait des amis, qui sont devenus
comme une deuxième famille», explique la
quadragénaire.
Le choc a été brutal lorsque sa fille de 12 ans a
pété les plombs en entendant parler d’échecs au-
tour de la table... le soir de son anniversaire. «On
n’avait pas réalisé à quel point les échecs prenaient
de la place dans notre famille, nous confie Lucie,
songeuse. Anaïs nous l’a rappelé de façon assez
radicale, en quittant le repas et en claquant la
porte derrière elle, alors que nous avions des invi-
tés spécialement venus pour elle.» Avait-elle tort?
Au bout du fil, la mère hésite, pousse un soupir et
laisse tomber: «Non, elle avait raison. Elle ne savait
pas comment l’exprimer. C’est sorti tout croche,
mais c’est sorti!»

Rester objectif
De nos jours, il n’est pas rare que les enfants soient
inscrits à un, deux ou même trois cours par se-
maine, qu’il s’agisse de la pratique d’un sport, de
l’apprentissage d’un instrument de musique ou
d’une autre discipline. Selon une étude interna-
tionale réalisée en 2018, les enfants américains de
3 à 12 ans participaient en moyenne à cinq activités
structurées chaque semaine. Dans 80 % des cas,
pour tous les pays sondés, les enfants étaient ins-
crits à au moins une activité par semaine.
Lorsqu’on a un «champion» sous son toit, peu
importe la discipline et l’âge, il nous faut rester
objectif, selon Suzanne Vallières, psychologue, au-
teure et conférencière. «Un enfant qui sort du lot,
ça peut être valorisant pour le parent, souligne-
t-elle. Les gens vont beaucoup en parler autour de
nous.» Pour certains parents, la fierté est d’autant
plus grande qu’il s’agit d’un rêve personnel non
réalisé... ou d’une façon de prendre le crédit pour
une bonne éducation. «Des parents peuvent pen-
ser: “Si mon enfant réussit comme ça, c’est parce
que je suis un bon parent, un bon modèle”»,

affirme Mme Vallières. Prudence, avertit-elle, car ce
mode de pensée peut mener à mettre beaucoup de
pression sur l’enfant, même involontairement. «Le
parent doit rester à l’écoute de l’enfant, note-t-elle,
et ne pas être sur la défensive si, par exemple, l’en-
fant manifeste son désir de ralentir ou d’arrêter
complètement.»
Cylia, 10 ans, est de nature sportive. Elle réussit
dans toutes les disciplines, de la gymnastique au
soccer en passant par la natation. Par contre, sa
petite sœur Lisa, qui pratique la danse contempo-
raine, n’a pas la même facilité, ce qui engendre un
stress au sein de la famille. «Lisa n’est pas au même
niveau, même si elle suit des cours depuis plus
longtemps que Cylia, raconte Anthony, papa des
deux fillettes et éducateur à la Commission sco-
laire de Montréal. Nous devons faire attention aux
compliments que nous adressons à l’aînée, car la
plus petite a tendance à être jalouse...» Lisa a d’ail-
leurs rappelé à ses parents qu’elle était «la pre-
mière à avoir fait de la danse». »»

«Le parent doit rester à l’écoute


de l’enfant et ne pas être sur la


défensive si, par exemple, l’enfant


manifeste son désir de ralentir


ou d’arrêter complètement.»



  • SUZANNE VALLIÈRES, psychologue, auteure et conférencière


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JANVIER-FÉVRIER 2020
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