Coup de Pouce - (07)July-August 2020

(Comicgek) #1

Ma vie | PERSO |


nous demander quand nous oserions fina-
lement nous engager dans un projet artis-
tique personnel: moi dans la rédaction
d’un livre, elle dans la réalisation d’un
documentaire.
Le psychologue clinicien, art-théra-
peute et professeur de psychologie à
l’UQAM Pierre Plante se montre optimiste.
Selon lui, la motivation interne est la pre-
mière étape de tout processus créatif. «Et
lorsqu’on ne répond pas à ce désir de créer,
cela génère de la frustration. Il faut donc
commencer par identifier les freins psy-
chologiques qui nous arrêtent, que ce soit
le manque de temps, d’argent ou d’énergie
par exemple, pour ensuite trouver des
moyens de les lever», explique-t-il.
«Je n’ai pas le temps!», s’est plainte
Myriam en tentant d’expliquer pourquoi
elle reporte encore et toujours son projet.

de notre vie, coincées que nous sommes
entre des enfants pas encore autonomes et
des parents en perte d’autonomie? Pierre
Plante croit que non. «Les artistes peintres
disent souvent qu’ils ont deux types de
création: les œuvres alimentaires et les
œuvres personnelles. Or, la création ali-
mentaire ne nourrit pas l’individu, parce
qu’elle répond aux besoins des autres»,
précise-t-il.
L’art-thérapeute déplore le fait que nous
soyons nombreux à ne pas exploiter notre
créativité. «Les recherches ont démontré
que nous sommes tous créatifs. Pourtant,
la plupart des gens ne puisent pas dans leur
créativité», relate-t-il. Est-ce parce qu’elle
fait peur ou parce qu’on la croit réservée
aux grands artistes? Le psychologue tient
ici à établir une distinction entre la créa-
tion avec un grand C, celle qui révolu-
tionne un domaine de
connaissances (que ce
soit les arts plastiques, la
chimie, la physique ou la
cuisine), celle que l’on
appelle aussi «innova-
tion» et qui passe à l’his-
toire, et la création avec
un petit c, qui nous sort
de notre routine et qui
nous fait essayer de nou-
velles choses, celle qui
marque notre histoire
personnelle.
«Sans la créativité, la
vie devient confortable, mais trop prévi-
sible. C’est alors que la monotonie et la
frustration s’installent, et cela peut
conduire à la déprime, voire à la dépres-
sion», prévient le psychologue. À défaut
d’entamer un projet d’envergure, celui-ci
nous conseille au moins de nous réserver
des moments dans la semaine pour une
activité nouvelle, pour vivre quelque chose
de différent, pour faire les choses autre-
ment. «C’est important, parce que la créa-
tivité, c’est ce qui donne un sens à notre vie
et ce qui nous définit comme individu»,
conclut-il.

AMÉLIE COURNOYER EST JOURNALISTE PIGISTE DEPUIS
12 ANS, BIENTÔT AUTEURE.•

C’est la même chose pour moi. Toutes les
deux mères de deux enfants, travaillant à
temps plein, avec une vie sociale hyperac-
tive et de nombreuses sorties culturelles à
l’agenda, nous ne voyons tout simplement
pas comment intégrer la création dans nos
horaires déjà surchargés.
D’ailleurs, est-ce réaliste d’entamer un
projet créatif dans une vie déjà remplie à ras
bord? Ne vaut-il pas mieux attendre la re-
traite pour nous épanouir artistiquement?
Après tout, Myriam et moi avons des métiers
relativement créatifs. Ne pourrions-nous
pas nous contenter de cette créativité pro-
fessionnelle pour le moment, alors que
nous traversons la période la plus occupée

«


Sans la créativité,


la vie devient confortable,


mais trop prévisible.
»
— Pierre Plante, psychologue

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JUILLET-AOÛT 2020
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