Coup de Pouce - (07)July-August 2020

(Comicgek) #1

s’arrêta net. Que faisait-il là? Et pourquoi pas,


finalement! Un relent d’insouciance l’avait


gagné, comme lorsqu’il était adolescent. Il


frappa trois coups fermes. Aussitôt, il sentit


sa fausse balloune de confiance se dégonfler.


Il redescendit rapidement l’escalier qui l’avait


mené à la porte. Une penture grinça. La porte


s’ouvrit. Trop tard. «André? Qu’est-ce que tu


fais là?» Il n’avait pas songé à la réponse. Il lui


fallait trouver les bonnes paroles. Sauf qu’il


avait toujours eu un mal fou à les aligner, ces


foutues paroles!


Il se retourna face à la jolie femme, qui le


regardait d’un air fatigué. «J’ai ton Ficello


chez nous.» Abasourdie, elle lui demanda où


il voulait en venir. Il puisa une dernière once


de courage jusque dans ses talons et se rées-


saya: «J’ai un de tes fromages chez moi, mais


c’est pas important. C’est juste que ça m’a fait


penser à toi. Ça m’a fait penser à nous.» La
femme soupira en fixant un point dans l’ho-
rizon bétonné. Cet homme qu’elle avait tant
aimé avait été un amoureux inégal, parfois
banal, parfois trop intense, avec ses lubies qui
ne se concrétisaient jamais:
— Cet été, on part à l’aventure dans le
Grand Nord québécois!
— On se bâtit une minimaison au fond
des bois?
— Pourquoi on lâche pas nos jobs pour pro-
mener des chiens?
Mais il ne l’avait jamais trompée. Ne s’était
jamais fâché contre elle. L’avait aimée, de
corps et de cœur. Il tenait à le lui plaider,
encore une fois. «Je t’ai jamais rien fait, Josée!»
Cette parole précise eut son effet. La femme
reporta son regard vers le sien. Une étincelle
y brûlait. Avait-il réussi à provoquer un heu-
reux retour en arrière chez Josée? «Mais c’est
exactement ça, le problème», répondit-elle
avec un étrange sourire ahuri. «T’as jamais
rien fait. Rien pour nous procurer une sécu-
rité. Pour nous faire évoluer. Malgré mes
minuscules demandes, mes suggestions, mes
cris du cœur. Je suis désolée, André, mais t’as
plus rien à m’apporter. À nous apporter.»
Essuyant une lourde larme, elle le salua fai-
blement de la tête pour ensuite se réfugier à
l’intérieur. Abattu, il s’assit sur la marche
enneigée, mouillant le bas de son manteau,
tout autant que ses joues... C’est alors qu’il
comprit la déconfiture de sa vie.
Douloureusement, il venait d’atteindre le
bas-fond. C’était terminé. Il en avait assez. »»

« À chaque nouveau job,


devant de nouvelles


personnes, il


s’autoproclamait


"gai luron" avec la voix


d’un animateur de radio


qui annonce une grande


vente de tapis.»


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JUILLET-AOÛT 2020

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