Paris Match - France (2021-02-11)

(Antfer) #1


L


VIE


contaminés! «Alorsonpeuts’embrasser!» Ona subi
l’épreuvedufeu,gardédesblessuresdeguerre–«mon
odorat», «la fatigue»...– maisla peurestderrièrenous.
Hierpestiférés,aujourd’hui on jubile. Au lieu du PCR,
onvafairetesterce quirested’anticorps.Unanaprès,il
enreste.Si je pouvaislesdistribuerà meschersamis...
Maisma«sérologiepositive», elle ne se voit pas sur
monvisage.Au-dessusdu masque, mes yeux ne disent
pasqueje suissansdanger. Alors je fais comme si...
Commetoutle monde qui a peur de le choper. Dans
l’ascenseur,chezle boulanger,dansle métro,ausuper-
marché...Turepèresmaintenantlesméfiants,ceux


  • celles,surtout– en qui pointe
    une agressivité. Body language,
    encore. Elle se lève brutalement
    quandtut’assiedsà côtédansle
    métro.Ellete laissemonteravant
    dansl’ascenseur.Sacrificecontrit:
    «Je prendraileprochain!» Dansla
    filed’attente,regardfuribondqui
    ordonne: Pousse-toi! Mecollepas!
    Heureusement,certainsse révèlent
    moinstatillons–moinsparanos?
    L’adoquioublietoutenpianotant
    sursonportable,indifférent,il te cogneavecsonsacà
    dos.Maisc’estsi bon!
    Et direqu’onse plaignait autrefois de crouler sous les
    vernissages(d’œuvresincompréhensibles),lesgénérales
    (demonologuessoporifiques)et lessignatures(debou-
    quinsillisibles)! Il fallaitse torturerlesméningespour
    bricoleruncompliment.Commeonenrêveàprésent,de
    ces«cocktailsmondains» où l’on s’embrassait avec pour
    seulsoucidenepaslaisserla tracedurougeà lèvres.
    Aujourd’hui,nosraresmomentsderencontresscellent
    unenouvellecarteduTendre.«Vousl’avezeu?» Cet aveu
    quibrisela glacenousplaced’embléedansuneconfré-
    riecommune.Et à l’inverse,ce sacrévirusnousôteune
    épinedupied: la bonne excuse pour arrêter de se forcer
    à entretenirdesrelationssuperflues.Labonneexcuse
    decesproches(niobèses,ni diabétiques,ni asthma-
    tiques...)qu’oncroyait...proches.«Bennon,je préfère
    pas te voir, on ne sait jamais.» Maintenant, on sait. 


C’estdevenuunnouveaucode
depolitesse.Unmarqueurd’intimité.
Lorsdenoschèresrencontresen«pré-
sentiel» (cemot! toutela balourdise
bureaucratique...),leprotocolese met
enplace: tantôthésitant,tantôtréactif.
Jusqu’oùm’approcher? Si j’avance
trop,l’autrepiqueunsprintarrièreet
j’ail’airdequémanderunechaleur
humainequ’on merefusehorrifié;
commesi j’avaiseuungesteobscène.
Si je gardela distance,queje m’oblige
à resterauloin,je faisbêcheuse,«pas
concernée». Cause toujours.Demande-
moi si j’ai bien commencél’année,je
t’entendsà peine.Postéeà 1 mètre,je
montremapeurduvirusaussi,çafait
petitbras,non?
Quantaux questions pratiques:
alleznégocieruneaugmentationou
unbureauplusgrand,à 1 ou 2 mètres
dedistance! Onperdenémotionce
qu’ondoitrendreintelligibleet urgent.
Froideurplate,descriptive.Il faut«por-
terla voix», commeauthéâtre.Nous
voilàà lacourd’Angleterre–dans
«TheCrown», c’estpareil–, le loin-
taintête-à-têtehebdomadaireduPre-
mier ministre avec laReine.A chercher
les termes les plus expressifspourplai-
der sa cause.
Parlons des rencontresperso,ami-
cales,ellesdeviennentuntestsubli-
minal.Il s’agitdedécelerdansle «body
language» le désirdes’étreindre...ou
la répulsion.Onestcontentsdese voir
maisça n’estpluscommeavant.Avant: cesembrassades
surjouées qui célébraientla bonnesurprise,le plaisirde
se retrouver.Non,maintenantona enviedesesauter
danslesbrasmaisonse retient.Précautionpasdutout
oratoire: «Tu l’aseu?» Ah, le soulagement entre deux

Par Catherine Schwaab


«Body


l a nguage»


Commen t


le Cov id


a Changé


no t re faç on


de Bouger


PARIS MATCH du 11 au 17 février 2021

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