excellence française
Ligne Roset
L’indépendance, c’est tendance
La société de meubles design fabriqués en France ne souffre pas de la pandémie,
bienaucontraire.L’espritdefamillerésisteencore.
paranne-sophieLechevallier
Desannéesqueleursusinesn’avaient
connu telleactivité.A traversle monde,on
change decanapé,detableet dechaises.Les
dirigeantsdeLigneRosetet deCinnaontété
les premierssurprisparceteffetduconfine-
ment. Commetoutle secteurde la fabrication
de siègeset demeubles,malmenédepuisla
crise de 2008,cetteentreprisefamilialespé-
cialisée dansle hautdegammeredoutaitles
conséquencesdeshuitsemainesde fermeture
du printemps.Aulieudecela,le seuléditeur-
fabricant-distributeurfrançaiss’attendà une
progressionde 40 %desventessurunan.
Ausiègeinstalléà Briord,dansla plainede
l’Ain,MichelRoset,71 ans,n’enrevientpas.
AvecsonfrèrePierre, 73 ans,cesreprésen-
tantsdela quatrièmegénérationpartagent
la directiondel’entrepriseavecceuxdela
cinquième,deuxdeleursenfants,lescou-
sinsAntoineet Olivier, 40 ans.«Rarement
nousavonseuuncarnetdecommandes
remplipourles dix-huitprochainsmois,
constateMichelRoset.A telpointquecela
nousdésorganise,personnenesaitgérer
unetellecourbeexponentielle.Lesdélais
defabricationsontpassésdedeuxmoisà
plusdequatre.» Lescinqusinesfrançaises,
quifournissent 85 %desproduitsvendus
parlesdeuxmarques,ontpeudestock;
ellesfabriquent«à la contremarque». Les
commandessonttraitéesselonleurordre
depassage,et lescombinaisonsdecoloris,
tissuset finitionschoisisparlesclientssont
multiples.Leschaînesd’approvisionnement
desmatièrespremières,commelesmousses
garnissantlescanapés,sont,ellesaussi,en
tension.Aprèsdesannéespendantlesquelles
le nombredesalariésa baissé,LigneRoset,
quiencompte800,dont 700 enFrance,
embaucheunetrentainedepersonnes.Cer-
tainsgestessontdésormaissi rarement
demandés,commeceuxdestapissierset des
couturiers,quedesformationsdiplômantes
sontmisesaupointavecPôleemploi.
Si l’entreprisea survécuà l’hécatombequi
a frappéle secteur,c’estenpartiegrâceà
sesproduitsiconiquesfabriquésenFrance,
installésdansles meilleures ventes.A
commencer par le Togo, inspiré, selon son
créateur, Michel Ducaroy, d’un tube de den-
tifrice replié, devenu un symbole des années
1970, qui s’est écoulé depuis à 1,5 million
d’exemplaires. Certains clients, comme
Lenny Kravitz, les collectionnent. Ligne
Roset va lancer une offre d’économie circu-
laire: les vieux Togo sont récupérés contre
un bon d’achat, puis retapissés et revendus
à moitiéprixourecyclés.Lamarque,qui
rééditeunegrandepartiedescréationsde
PierrePaulin,a meubléensontempslesrési-
dencesdeFrançois Mitterrand, rue de Bièvre
et à Latche. Habituée aux collaborations avec
desdesigners,souventjeunes,ellea aussi
connuunsuccèsavecle Ploum,uncanapé
desfrèresBouroullec.«Unefoistouslesdix
ans,lesplanètessontalignéeset vousavez
uncoupd’avance», remarque Michel Roset.
Le fabricant s’en est aussi sorti car il est
resté indépendant, une leçon retenue de Jean,
leurpèreet grand-père.Il a gardésonréseau
dedistribution.Il nedépendpasd’unseul
marchémaisréalise 70 % de son chiffre d’af-
faires de 110 millions d’euros pour le der-
nier exercice, à l’étranger. Surtout, la famille
a gardé le contrôle de l’actionnariat, alors
que nombre de maisons italiennes de design
industriel ont été rachetées par des fonds
américains. Les deux frères ont bien eu un
moment d’hésitation au début des années
2000 quandils onteudesoffresimportantes.
Malgrélesannéesdecrise,MichelRosetne
regretterien: «Unfondsautourdela table
nepenseraitqu’àl’argentet aucourtterme.»
Finalement, la passion peut payer.
Letogo, canapé iconique,
s’est écoulé à 1,5 million d’exemplaires
depuis sa création, en 1973
LesRoset,pèresetfils,à latêtede
l’entreprisefamiliale: Pierre et
Antoine, assis suruncanapéMulty,
et Olivier et Michel.Dansl’usinede
Briord, dans l’Ain, le 2 février.
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