n’afficheaucuneambitiondela sorte.A l’historienquiexplique
commentil a misla mainsurce dossierd’archivesinédit,le neveu,
DidierSourisseau, 56 ans,s’exclame: «Vousmel’avezpris!»
Luiaussia vupasserce trésordansle cataloguedeJean-Emmanuel
Raux.Maisquandil a appelépourl’acheter,il étaitdéjàtroptard.
«C’estunmalpourunbien», plaisante-t-ilendécouvrantla besogne
deFuligni,quiconfirme,complète,corrigeparfoisle récitfamilial.
Charlotteestl’unedesvingt-quatreenfants– ouivingt-quatre! –
d’AntoinetteCotain.«SonvrainomseraitplutôtCattin,et ilsemblerait
quecefûtaussisaprofession», précisele chercheur.Issued’une
lignéedepetitsmagistrats,la prolifiqueBourguignonnen’apas
abandonnésa progéniture.Antoinetteleura mêmetrouvéunpère,
unmoinedéfroquéquireconnutlesbambins.Uncouplepourle
moinsatypique.Fulignia retrouvél’actedenaissancequiindique
queCharlottea vule jourle 22août1795.Didiers’étonne:«Napo-
léonétaitfiancéà cetteépoque!» Celan’empêcherien...Toutefois
le mystèreplanetoujourssurla rencontreentrele brillantofficieret
Antoinette.Neufmoisavantla venueaumondedeCharlotte,Bona-
parterésideentreNiceetToulon.Lapetitea punaîtreprématurée.
Elleferaitfigured’exception,maissa longévité– elles’estéteinteà
84 ans– témoigned’unesolideconstitution.Uneautrehypothèse
permetd’établirunlienavecla Bourgogne.Fin1794,Antoinette
CattinfréquenteuncertainTurreau,mariéà unejeunefemmevolage
dontBonapartea faitle siège.Représentantdupeuple,Turreauins-
pectel’arméed’ItaliedanslesAlpes-Maritimes.Delà à imaginer
qu’Antoinettel’accompagnepouroccuperle remuantofficier...Bruno
Fuligniadmetqu’ils’aventuredanslesdélicesdel’interprétation.
Enrevanche,ilcertifiequeBonaparten’ajamaissuqu’ilavaitune
fille.«Si celaavaitétéle cas,il s’enseraitoccupé,d’unemanièreou
d’uneautre.» Un élément supplémentaireaccréditesa version.Très
épris de Joséphine, plus âgée que lui et déjàmèrelorsqu’ill’épouse
en1796,Napoléon,quineparvient
pasà avoirdedescendance,s’ima-
ginestérile.Jusqu’àla naissanceen
1806 desonpremierenfantnaturel,
filsdel’unedesesmaîtresses.C’est
à cettedatequ’ilrépudieJoséphine.LeshéritiersdeChar-
lotteChappuisdemeurent,eux,persuadésqueNapoléon
savait.Ilsenveulentpourpreuvela bagueenor sertie
detroisdiamantsqu’ilssetransmettentdegénération
engénération.«UncadeaudeNapoléon», assureBéa-
trice,l’épousedeLouis-DominiqueLiébard,entendant
la mainpourmontrerle précieuxbijou.Ellea puluiêtre
offerteparsonmari,richeindustriel,suggèreFuligni.
OuparunautreBonaparte,Louis-Napoléon.Car,aussi
étrangequecelapuisseparaître,la brancheofficiellea
finiparprendrecontactavecCharlotte.Trenteansaprès
la périodetroublerelatéedansle dossier,la vagabonde
estdevenue«maîtressedeforges», unedesfemmesles
plusaiséesdesondépartement.Dansunelettredatée
du 26 novembre1848,ValérieMasuyer,anciennedame
d’honneurdela mèredeLouis-NapoléonBonaparte,lui
demandesi elleseraitdisposéeà userdesoninfluence
enfaveurduchefdela maisonimpériale.Déjàélurepré-
sentantdupeuple,il estcandidatà l’électionprésiden-
tielledu 10 décembre,la premièredugenre.Charlottese
rallieainsià la campagnedeceluiqu’elleappelle«mon
cousin». Sousle secondEmpire,NapoléonIII ménagera
cetteétrangecousineennommantsonfilsAdrienmaire
deChampagnole.Desoncartable,Fuligniextirpeune
photonoiret blanc: Adrienposeenmajesté,la mainsur
le ventreà la manièredel’Empereur...«J’aitrouvéce
clichésureBay,précise-t-il.L’attitudeestextraordinaire
quandonconnaîtl’histoire!» A Caen,sesdescendants
dévoilentaussileurstrésors.Dansunalbumsontran-
géeslesphotosprisesdansle caveaufamilialdeCham-
pagnole.Malgréla pénombre,ondistinguele cercueilde
l’aïeule...constelléd’abeillesimpériales.Si lesparentset
grands-parentsdeLouis-DominiqueLiébardjugeaientce
singulierhéritageencombrant,luiet sesprochesassu-
mentla doublefiliation.Lafulguranteascensionsociale
deCharlottelesimpressionne.Lebilandesonillustre
paternelégalement.«Il a établila Francemoderne»,
jugeOdile,la sœurcadettedeLouis-Dominique,quand
DidierSourisseauassumedenepasappré-
cier«l’homme» derrièrele mythe.Ilsn’ont
jamaisétablidecontactavecla branchelégi-
timedela Maisonimpériale.SaufBerna-
dette,la cousinedeLouis-Dominique.Dans
unavionentreRomeet Paris,ellea croisé
AlixdeForesta,deretourdela cérémonie
debéatificationdudernierempereurd’Au-
triche.«Il mesemblequeje vousconnais»,
luiglisseBernadette.Répliquehautainede
l’intéressée: «Je suisla princesseNapoléon
et fièredeporterce nom.» Bernadettea pré-
férédemeurersilencieuse.Maiselleconfie:
«Elleestfièred’enporterle nom,moid’en
avoirle sang...» MarianaGrépinet
Horssérie
parisMatch
«Lafolienapoléon»,
en kiosque
le 15 février.
Napoléon par
Charles de Steuben,
1812, musée de
la Légion d’honneur,
à Paris.
Parmi les documents
en possession
de l’historien, des
photos d’Adrien, le fils de
Charlotte Chappuis,
et des lettres.
«LafilledeNapoléon»,
de Bruno Fuligni, éd. Les Arènes.
du 11 Au 17 Février 2021 PA RI S M AT C H