Paris Match - France (2021-02-25)

(Antfer) #1

Par le docteur Philippe Gorny
L’hormone partenaire clé de l’immunité
Les vitamines sont des substances indispen-
sables à l’organisme humain qu’il ne peut pas
fabriquer. Sous l’action des UVB du soleil,
nous synthétisons dans notre peau l ’essentiel
de notre vitamine D (80 % du total, tandis
que l’alimentation apporte le reste), si bien
que pour les spécialistes, elle est avant tout
considérée comme une hormone.
On la dose facilement dans le sang. Dans
le bilan des laboratoires elle apparaît sous le
nom de 25-hydroxycholécalciférol, souvent
abrégé 25(OH)D. Sa valeur normale chez les
personnes en bonne santé est supérieure ou
égale à 20  nanogrammes par ml (ng/ml).
Chez les sujets fragiles, porteurs de
comorbidités ou obèses, 30  ng/ml est
le minimum recommandé. Sous ces
seuils on parle d’insuffisance : la moitié
des Français sont sous la barre des 20  ng/
ml et 8 sur 10 sous celle des 30 ng/ml. En
dessous de 10 ng/ml, on parle de carence.
Parmi ses nombreux bienfaits, la vita-
mine D est un soutien majeur, connu de
longue date, de nos défenses. Au niveau
des muqueuses, qui sont la voie d’entrée
de la plupart des microbes, elle stimule à la
demande la sécrétion de diverses protéines
antimicrobiennes par les cellules immu-
nitaires qui y patrouillent (monocytes et
macrophages). Elle inhibe la synthèse des
substances inflammatoires, les fameuses
cytokines, qu’un intrus (virus, bactérie) pour-
rait induire, et en active d’autres aux vertus
contraires. Elle agit sur plus de 200 gènes,
dont certains amplifient la production d’en-
zymes antioxydants qui protègent nos cel-
lules. Sur le plan clinique il est acté que le
risque d’infections respiratoires aiguës est


La vitamine D


bénéfique et sans DanGer!


De tous les micronutriments possibles pour se préserver


de la pandémie, c’est sans doute le plus utile.


accru chez les sujets ayant des taux bas de
25(OH)D (comme au cours de la grippe par
exemple). L’apport quotidien ou hebdoma-
daire de vitamine D aux personnes carencées
réduit ou fait disparaître ce risque. Qu’en est-
il vis-à-vis du Sars-Cov-2?
Vitamine D et Covid-19
Dans une étude américaine rétrospective
conduite à l’hôpital universitaire de Chicago
chez 489 personnes, le risque d’être infecté
par le Sars-CoV-2 est apparu augmenté chez
les sujets dont le taux de 25(OH)D était, dans
l’année précédant leur contamination, infé-
rieur à 20 ng/ml. Il fut à l’opposé réduit chez
ceux ayant un taux de 25(OH)D supérieur et
chez les carencés ayant pu être supplémen-

tés. Dans un essai randomisé espagnol (uni-
versité de Cordoue) chez 76 adultes Covid-19
hospitalisés et âgés en moyenne de 53 ans,
ceux ayant reçu de fortes doses de vitamine D
ont eu deux fois moins besoin de soins
intensifs. En France, dans une étude chez
77 patients Covid-19 hospitalisés et âgés de
plus de 80  ans, 93,1 % des sujets supplémen-
tés ont survécu contre 68,7 % des non supplé-
mentés. Dans une étude similaire en Ehpad,
chez 66 octogénaires, 82,5 % des supplémen-
tés ont survécu contre seulement 44,4 % des
non supplémentés. En Angleterre dans un
essai rassemblant 986  participants dont 151
(soit 16 %) ont reçu en sept semaines un
total de 280 000 unités internationales (UI)
de vitamine D, la mortalité chez ces derniers
a été réduite de 87 % par rapport à celle des
autres! En Norvège, la Koronastudien Norge
a montré que les consommateurs réguliers

La moitié des français sont sous la barre des
20 ng/ml et 8 sur 10 sous celle des 30 ng/ml

d’huile de foie de morue (très riche en vita-
mine D) étaient les moins à risque d’être
infectés par le Sars-CoV-2. Enfin, des tra-
vaux argentins ayant collecté dans 46 pays
(là où étaient disponibles à la fois les taux de
vitamine D de la population générale et les
données de mortalité et complications liées
au Covid-19) ont confirmé l’existence d’une
forte corrélation entre carences vitaminiques
et conséquences épidémiques majorées.
Dans nos reins existe un mécanisme
important de régulation de la pression arté-
rielle appelé système rénine-angiotensine
(SRA). Selon Jean-Marc Sabatier, docteur
en biologie cellulaire et microbiologie, direc-
teur de recherche au CNRS de Marseille, le
coronavirus tend à activer ce système, voire
à le suractiver, ce qui entraîne alors des
effets délétères graves : hypertension arté-
rielle, inflammation des vaisseaux, fibrose
tissulaire (poumons, cœur), stress oxyda-
tif, etc. La vitamine D freine ce processus.
Elle tempère l’orage qui en résulte en dimi-
nuant l’expression (la multiplication) des
récepteurs ACE2 qui sont un maillon clé
du SRA et que le virus utilise pour infecter
nos cellules. Bel atout!
L’appel de 73 experts
L’insuffisance en vitamine D leur apparaît
comme un facteur de risque indépendant
des formes graves du Covid-19, qu’une
supplémentation peut prévenir de façon
simple et sans danger. Elle est en outre
remboursée par l’Assurance maladie.
Autour des professeurs Cédric Annwei-
ler, chef du service de gériatrie au CHU
d’Angers, et Jean-Claude Souberbielle,
ancien responsable du laboratoire d’hor-
monologie à l’hôpital Necker-Enfants
malades, des experts français se sont réu-
nis. Ils recommandent la prescription aux
adultes « d’une dose de charge de 100 000  UI
(le double chez les sujets obèses ou ayant
des comorbidités), à renouveler après une
semaine dès le diagnostic de Covid-19 ».
Cette supplémentation est sans risque (sauf
dans quelques maladies rares comme la
sarcoïdose par exemple). Elle peut complé-
ter tous les traitements curatifs et permet
d’ajuster rapidement le taux de vitamine D
au-dessus de 30  ng/ml. Un dosage préa-
lable de la 25(OH) D n’est requis que chez
les patients souffrant d’insuffisance rénale
chronique ou de malabsorption diges-
tive. La vitamine D peut aussi être utilisée
préventivement chez les sujets non infectés,
à la dose en période épidémique de 50 000
à 100 000 UI par mois.

sa suPPLémentation Peut comPLéter
tous Les traitements curatifs
et Permet D’ajuster Le taux au-Dessus
Du minimum recommanDé

santé


du 25 février au 3 mars 2021 PA RI S M AT C H
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