Paris Match - France (2021-02-25)

(Antfer) #1
Qu’avez-vous pensé de la série “En thérapie” dans laquelle votre
compagne joue?
J’ai trouvé ça formidable. Mélanie déchire tout, elle est en pleine
possession de ses moyens. Elle a une immense intelligence de l’âme
humaine. Le talent des acteurs passe par l’intelligence. C’est fantas-
tique, leur vie. Ils en ont mille.
La vie de chanteur n’est pas aussi trépidante?
Moi, j’emmagasine des infos pour écrire, je suis le seul créateur
de mon projet. La musique est très solitaire. On sort le disque, on a
quelques semaines pour l’exposer et après on repart pour un tour,
il faut revivre, recréer... J’aurais adoré être acteur... si j’avais été
bon! Mais je n’ai pas ça en moi, j’ai le trac, je suis paralysé par la
caméra. Il faut beaucoup de talent, d’instinct, vouloir ne suffit pas.
On ne vous verra donc pas dans votre film?
Certainement pas!
Vingt ans de carrière, c’est un cap?
Je suis content de pouvoir encore faire des disques. Je n’ai pas
toujours pris le chemin le plus direct, mais c’était un choix. Je ne
vais pas me jeter des fleurs mais, dans l’ensemble, je ne me suis

pas trop perdu ni fourvoyé. Sauf après “Caravane”, je ne savais
plus trop où j’en étais. J’aime moins “Je sais que la terre est plate”
que mes autres albums. J’ai voulu refaire la même recette en me
disant que ça avait tellement bien marché que j’allais rester dans
les clous. Et à partir de là, je me suis planté... Planté, c’est un grand
mot, j’ai dû en vendre 400 000! Quand les gens nous aiment de
cette manière, on ne s’appartient plus vraiment. Les mass média
créent de la distorsion. Mais ça ne dure pas très longtemps et c’est
quand même plutôt agréable. Aujourd’hui, si un tel succès m’arri-
vait, je serais content. Les tubes, c’est bien aussi, j’aimerais un petit
tube dans cet album! Si vous pouvez le dire à vos lecteurs. [Il rit.]
Ça ne vous agacerait pas que les fans vous pourchassent dans la rue?
On te suit moins dans la rue quand tu as 45 ans que quand tu en as
25! C’est un autre public. Mais j’aime bien qu’on m’accoste, qu’on
me prenne en photo, je trouve ça très charmant.
Ce qu’on sait moins de vous, c’est que vous peignez aussi...
Nuance, je fais des gribouillages! Qu’est-ce que j’aurais aimé
bien peindre... J’aime le rapport direct entre l’idée et le geste. Pour
faire un film, entre l’idée et le moment où le film est fini, si tu es
comme moi, il se passe sept ans où on te dit qu’on ne te donnera
pas un sou et on te claque la porte sur le nez. [Il rit.] Une chan-
son aussi demande du temps, tu l’imagines, l’écris, tu la produis.
Un dessin, c’est une idée, un geste, c’est direct. Avec moi, ça ne
fonctionne pas vraiment parce que mon geste est dégueulasse.
Mes croûtes sont exposées dans notre maison à la mer. Mélanie
n’ose pas me dire ce qu’elle en pense.
La culture, c’est “essentiel”?
Dans ma vie, oui. Pour certains, c’est juste du divertissement, et je
le comprends. Et je comprends que tout soit à l’arrêt en ce moment.
On ne veut pas que les gens crèvent dans des brancards parce qu’ils
ne peuvent pas être soignés. Ce qui me manque vraiment, c’est de
ne pas pouvoir m’asseoir à une terrasse, boire mon café, regarder
les gens parler, fumer, s’engueuler... Ce qui me manque, c’est de ne
pas pouvoir observer le monde. Quand on écrit, c’est mieux de ne
pas trop se regarder le nombril. Interview Clémence Duranton

FIDèle à luI-même
C’est un neuvième album féroce, où les imperfections sont
reines. « Haute fidélité » s’écoute fort, comme un disque rock,
s’apprivoise sur la durée, comme un disque de Bowie. Sans
crier gare jaillissent des influences de tous bords, de l’italien
de Dante qui surgit dans un morceau sur Johnny et Victoria
Beckham, des instruments venus d’ailleurs. Et puisque, chez
Raphael, de l’exotisme à l’érotisme, il n’y a
qu’un pas, ce disque est surtout une grande
déclaration d’amour dans un pays sous cloche.
Le confinement, la tristesse, la vie, l’amour, la
mort, tout y est, dans une poésie touchante,
portée par des titres lancinants, comme a
toujours su les faire le chanteur. Le tout sous
l’influence de Benjamin Lebeau (The Shoes),
avec qui l’album a été coécrit et qu’on reconnaît dans le son
électro, les accords percutants. Leur première collaboration,
« Super-Welter », trop « lo-fi », trop sale, avait séduit la critique
mais laissé le public perplexe. « Haute fidélité » devrait mettre
tout le monde d’accord. C.D.

« Haute fidélité » (Columbia), sortie le 5 mars.


« Si ma vie privée


vous intéresse, vous en saurez


beaucoup plus en écoutant


cet album qu’en me regardant


manger des tartines en pyjama »


Raphael


PARIS MATCH du 00 MOIS 2021


LA SEMAINE dE


PARIS MATCH du 25 févRIeR au 3 MaRS 2021

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