Paris Match - France (2021-02-25)

(Antfer) #1
LE CONTEXTE... Pour illustrer musicale-
ment un documentaire sur Jack Johnson,
le premier boxeur noir champion du
monde des poids lourds, son réalisateur
fit appel à Miles Davis. Parce qu’il faisait
lui aussi de la boxe et était très impliqué
dans le combat pour la reconnaissance
des droits des Noirs aux Etats-Unis.

DANS L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE...
L’album, avec deux titres, préfigure un
genre nouveau, le jazz-rock sur-électrifié.
Il est considéré aujourd’hui comme un
des meilleurs enregistrements de Miles.
LES TITRES À ÉCOUTER...
« Right Off », « Yesternow ». Sacha Reins
« A Tribute to Jack Johnson » (Columbia).

BÉNABAR L’ÂGE DE RAISON


Le chanteur revient avec un neuvième album réussi, où il met en scène
avec humour sa profonde nostalgie pour la vie. Rencontre.

Par Benjamin Locoge / Photo François Berthier
Le voilà donc auréolé d’une nouvelle
couronne : celle de numéro un des ventes de
disques en France la semaine de la sortie de
son nouvel album, devant Frédéric François
et Camélia Jordana. Aurait-on enterré un
peu trop vite Bénabar? Clairement oui. Car
« Indocile heureux » revient à ce que Bruno
Nicolini sait faire le mieux : des chansons
futées, émouvantes, s’interrogeant à voix
haute sur les faiblesses humaines. C’est bien
troussé, évitant la bien-pensance ou l’émo-
tion trop facile. Pour en arriver là, Bénabar
a fait un grand ménage dans sa carrière.
Nouveau manager, nouveau directeur artis-
tique : Sébastien Farran et Bertrand Lamblot,
qui ont œuvré chez Johnny, et, surtout, un
coauteur, Pierre-Yves Lebert. « On ne se
connaissait pas, raconte Bénabar, mais on

« A TRIBUTE TO JACK JOHNSON » DE MILES DAVIS


En 1971, une déferlante de trésors paraissait.


ALBUM MYTHIQUE


MUSIQUE


« Indocile heureux »
(Columbia/Sony
BMG).

s’est vraiment entendus. J’avais pas mal de
choses déjà abouties, sur certains titres il a
viré deux phrases, sur d’autres on a écrit
à quatre mains, il a fait un vrai travail de
script-doctor autour d’une bouteille de blanc
et d’un feu de cheminée. Comme dans un
film de Claude Sautet. »
Ce qui frappe surtout, c’est que Bénabar ne
s’est pas vraiment éloigné du chemin qu’il
trace depuis son premier album, en 1997,
celui d’une chanson réaliste, sans
pour autant ressembler aux Ogres de
Barback ni à La Tordue, une chanson grand
public et populaire qui lui a permis de triom-
pher entre 2004 et 2008. Quatre années folles,
qui le menèrent dans les plus grandes salles,
y compris un concert sous forme d’apothéose
à Bercy. « C’est là que tous mes petits copains
ont commencé à balancer des rumeurs sur
moi. Je me suis aperçu que des gens qui
ne me connaissaient pas me détestaient... »
Bruno l’avoue : « J’ai eu un grand-père corse
et un autre napolitain. Impossible donc de
ne pas être rancunier. Je trouve même ça un
peu suspect, les gens qui pardonnent. La ran-
cune n’est pas un sentiment très noble, mais
cela reste le meilleur moyen de mettre des
bâtons dans les roues des opportunistes. »
Finalement, Bénabar évolue. Mais ne
change pas. « Je ne voulais pas être celui
qui, à 50 ans, se répète. Mais je ne veux
pas tout renier, au contraire. Je sais juste
qu’il faut toujours faire gaffe, ne pas tom-
ber dans l’émotion facile. » Cela donne des
chansons très réussies, comme « Un Lego

dans la poche », ou des choses plus sociales,
comme « William et Jack », fable sur la classe
moyenne. « Je viens de là, explique Bruno, de
cette classe moyenne de banlieue, anonyme,
ceux qui travaillent, qui se sentent négligés.
Leur sentiment de déclassement est réel et
justifié. » En parler donc pour mieux dénon-
cer? « Je ne crois pas que ce soit la place de
l’artiste, au contraire. J’ai plutôt l’impression
que quand on l’ouvre aujourd’hui, on dessert
la cause que l’on veut soutenir. Non,
j’ai aussi écrit ce morceau pour dire
que dans “classe moyenne” il y a “classe”.
Et qu’il ne faut pas en avoir honte, qu’on
pourrait même en être fier. »
Bénabar, lui, navigue désormais entre deux
vies, une parisienne pour le boulot, une autre
plus bourgeoise à Gordes. En couple depuis
vingt ans, père d’un garçon de 16 ans et d’une
fille de 11 ans, il dit « avoir une vie normale.
Mais on a toujours fait gaffe. Aujourd’hui
mon fils veut être musicien. Je me vois mal
lui dire d’essayer autre chose. » Bruno conti-
nue-t-il à chanter pour éblouir ses parents? La
réponse fuse. « Non. J’ai réglé ce problème.
Ça sert au moins à ça d’avoir 50 ans. » Sur-
pris, il a baissé la garde. Il était temps.

CULTURE


PARIS MATCH DU 00 MOIS 2021


LA SEMAINE DE


PARIS MATCH DU 25 FÉVRIER AU 3 MARS 2021


LA SEMAINE DE

Free download pdf