Paris Match - France (2021-02-25)

(Antfer) #1
Sous le portrait d’Ignace
de Loyola, fondateur de
l’ordre, Le père O’Donovan,
chez lui, dans la communauté
jésuite de New York.

Paris Match. Père O’Donovan, comment êtes-vous
devenu un proche du deuxième président catholique de
l’histoire américaine?
Père Leo J. O’Donovan. Joe Biden et moi nous connaissons
depuis trente ans. A l’époque, l’un de ses enfants, Hunter,
étudiait à l’université jésuite de Georgetown, que je pré-
sidais. J’avais invité le sénateur à donner une conférence
sur le rôle de la foi dans son engagement en politique. Une
vraie amitié est née de cette rencontre et le destin a fait
que, le 6 juin 2015, Joe Biden, alors vice-président, m’a
demandé de célébrer la messe d’enterrement de Beau, son
fils aîné, emporté à 46 ans par un cancer du cerveau. Lors
de l’homélie, j’ai rappelé les enseignements de l’Eglise :
“Que ce soit dans la souffrance prolongée, comme Beau
l’a vécue, ou dans les faiblesses dues à l’âge, nos vies sont
des dons sacrés. Pour ‘connaître la splendeur de l’éternité’,
il faut passer par les ténèbres de la mort.”
Comment décririez-vous le nouveau président américain?
Ouvert, chaleureux, très humain, avec un sens réel de
la compassion et un solide humour irlandais. Il est direct,
franc, et s’exprime sans détour. “Prenez-moi comme je
suis”, lâche-t-il souvent. Il pense que, pour un homme
politique, la pire chose demeure l’abus de pouvoir.
Il vous a choisi pour l’assister lors de la cérémonie d’in-
vestiture, le 20 janvier. C’est ainsi qu’on vous a découvert
en mondovision...
Le nouveau président a voulu prêter serment sur la
Bible de Douai, une bible anglaise du XVIe siècle. Avant,
il m’a demandé de prononcer la prière d’invocation. J’ai
puisé dans les textes saints et appelé les participants à
prier pour que le nouvel élu s’inspire de la sagesse du
roi Salomon, et qu’il gouverne d’un cœur sachant dis-
tinguer le bien du mal. J’ai aussi cité le pape François
et imploré que le “saint mystère de l’amour” aide le pré-
sident à réconcilier la nation afin de lui apporter paix,
justice, joie, et puisse restaurer ses rêves.
Votre rôle est-il comparable à celui qu’exerçaient jadis
les confesseurs auprès des rois?
La séparation entre la religion et l’Etat, principe assuré
par la Constitution américaine, fait que notre relation n’est
pas du même ordre. C’est, dans notre cas, un rapport

personnel qui ne relève guère des affaires publiques. Après la Seconde
Guerre mondiale, en effet, certains guides spirituels ont occupé une
place importante. Le pasteur évangélique Billy Graham, quant à lui,
a prodigué ses “conseils” dans ce domaine à tous les présidents, de
Harry Truman à Barack Obama, sauf à John Kennedy. Inutile de
souligner qu’il n’était pas favorable à l’élection d’un catholique! En
revanche, il était proche de Dwight Eisenhower et de Lyndon Johnson.
Vous-même, fréquentez-vous la Maison-Blanche depuis longtemps?
Bill Clinton, ancien élève de l’université jésuite de Georgetown,
m’y a invité régulièrement. J’y ai aussi souvent vu Joe Biden quand
il était vice-président. Nous fêtions notamment ensemble la Saint-
Patrick [la grande fête des Irlandais] dans sa résidence officielle.
Quel est votre souvenir préféré avec Joe Biden?
Le 24 septembre 2015, quand, avec son épouse, Jill, et sa sœur,
Valerie, nous sommes partis en limousine pour assister au discours
du pape François devant le Congrès. J’ai aussi un bon souvenir du
jour de novembre 2017 où Joe Biden présentait son livre “Promets-
moi, papa”. J’étais assis dans le public à côté de Jill. Lorsque Joe
Biden, sur l’estrade, a avoué qu’il avait dû lui demander sa main
à cinq reprises avant qu’elle accepte de devenir sa femme, et qu’il
la soupçonnait d’être sous le charme de ses deux garçons, Beau et
Hunter, plutôt que sous le sien, elle s’est tournée vers moi et a rougi...
Connaissez-vous le pape François?
Nous nous sommes côtoyés pendant deux mois en 1983, à Rome,
lors de la Congrégation générale des jésuites où le père Peter-Hans
Kolvenbach fut élu comme Préposé général.
Le président Biden ira-t-il le voir au Vatican?
[Après un long silence diplomatique.] On verra... De toute manière,
ils se sont déjà rencontrés lorsque le pape François est venu à
Philadelphie, en septembre 2015. Joe Biden était alors le vice-prési-
dent de Barack Obama et au Vatican en avril 2016.

Père O’Donovan :


« Quel gâchis de laisser


des enfants dans les camps.


Regardez Steve Jobs


ou Jeff Bezos, ce sont


des fils d’immigrés »


PARIS MATCH du 25 févRieR au 3 maRS 2021

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