Paris Match - France (2021-02-25)

(Antfer) #1

Harcelées par la justice italienne,


les cellules de la pieuvre se redéploient


sur la Côte d’Azur. A Vallauris,


les frères Magnoli sont soupçonnés


d’être les rois de la coke


Ci-dessus : à droite de
la pizzeria, La Petite
Brasserie, QG du clan
Magnoli.
A Vallauris, fin 2020.
Ci-contre : Antonio
Magnoli (chemise
rayée) avec ses
associés Vincent Boe
(cheveux gris) et Atef
M’Zati (lunettes de
soleil) avant
leur interpellation
en juin 2015.

Rocco, un autre frère Magnoli (à dr.), et son associé
Philippe Flori, arrêtés eux aussi en juin 2015.

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dU 25 féVrIEr AU 3 MArS 2021 PA RI S M AT C H

ACTuAlITé


De notre envoyé spécial
dans les Alpes-Maritimes et à Gênes
e général Pasquale Angelosanto,
commandant de l’unité anti mafia des
carabiniers, consacre le tiers de son acti-
vité à lutter contre la ’Ndrangheta, nom
de la mafia en Calabre. « Une des plus
puissantes organisations criminelles
au monde », dit-il avant de décrire
un corps organique, clanique,
colonisateur, composé de cou-
sins et de beaux-frères, tous taiseux, aux
goûts parfois ésotériques. Les tentacules du
réseau s’étendent jusque dans le sud de la
France : « La Côte d’Azur était une de leurs
cibles », confirme Angelosanto. Et de lister ses
avantages, de Menton à Marseille, de Nice à
Cannes : nœud de trafic, havre de paix pour
mafieux en cavale, territoire attractif pour l’ar-
gent de la drogue, BTP, immobilier...
En 1994, un repenti a égrené la liste des
représentants de cette mouvance. Un clan
exploite une raffinerie d’héroïne à Toulon,
un autre gère un bar à Antibes.
Le « chef des assassinats pour la
zone France » vivrait sur la côte
où il tiendrait une pépinière, belle
« couverture » pour ensevelir les
cadavres. Enfin, il y a Vallauris,
où tant d’immigrés italiens ont fait tourner
les ateliers de poterie chers à Picasso, devenu
le territoire des Magnoli.
Au départ, les Magnoli sont de Gioia
Tauro, près de Reggio di Calabria. Cette
ville de 20 000 habitants est célèbre pour
sa production d’huile d’olive et pour son
port, le premier d’Italie en matière de tra -
fic de conteneurs. Et le premier en Europe
pour la cocaïne. L’infrastructure a profité à
toute la ’Ndrangheta, qui « a noué d’excel-
lentes relations avec les cartels d’Amérique du
Sud », explique le général. Une « famille » y a
particulièrement prospéré : les Molè-Piromalli.

Ippolito, l’aîné des Magnoli, a « grandi » à leur
côté. En lien avec les cartels, il est devenu une
pointure du trafic de poudre blanche.
Né en 1947, Ippolito Magnoli s’est illustré au
début des années 1980 pour des peccadilles :
une affaire de séquestration, une autre de
drogue en association avec un de ses frères
cadets, Angelo. Rien de spectaculaire. Mais il
est monté en puissance. Pendant qu’il opère
à Gioia Tauro, ses cadets Luciano et Antonio
« blanchissent le cash » à Vallauris et Golfe-
Juan. Pour cela, ils sont les rois de la nuit.
Night-clubs mais aussi trafic de drogue, assis-
tance à mafieux en cavale, la « famiglia » ne
manque pas de ressource.
Au début des années 2000, alors que les gen-
darmes commencent seulement à les identi-
fier, les carabiniers pistent leurs activités de
l’autre côté des Alpes. En 2004, quatre man-
dats d’arrêt internationaux visent Ippolito.
Deux ans plus tard, la filature d’un des chefs
de Bordighera, à 20 kilomètres de la frontière,
mène les enquêteurs italiens jusque dans le
centre de Vallauris. Un rapport
de police y a signalé l’achat en
quantité importante d’un pro-
duit stupéfiant, soulignant que
la ville « est le lieu de résidence
d’une importante communauté
d’émigrés calabrais, dont une grande partie
se consacre au trafic de drogue ». La famille
Magnoli a le vent en poupe. Mais, en 2007,
Luciano et Antonio sont pris en flagrant délit
par la PJ de Nice avec 35 kilos de cocaïne. Au
téléphone, le chef de Bordighera manifeste
son émotion à travers un message crypté : « Il
est tombé avec la moto et n’a pas pu remon-
ter sur la table. » C’est le coup d’envoi d’une
série noire pour les « boss » de Vallauris.
Le 12 juillet 2008, le « parrain » Ippolito se fait
cueillir dans sa résidence près de Barcelone.
Son fils Girolamo doit faire tourner la bou-
tique ; du renfort lui est envoyé

Il existerait même
un « chef des
assassinats pour
la France »
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