Paris Match - France (2021-02-25)

(Antfer) #1
du 25 février au 3 mars 2021 PA RI S M AT C H

ACTuAlITé


Paris Match. Une série télé, un film... on
vous a beaucoup vu à l’automne dernier, mais
il semble que vous soyez encore employé pour
l’image sulfureuse qu’on a de vous. Ça vous
énerve?
Alain-Fabien Delon. J’ai été jeune et con.
J’ai fait des bêtises, des choses pas très
glorieuses dont je ne suis pas fier. On me
ressort encore et toujours l’histoire de cette
soirée en Suisse, il y a dix ans. C’était un
accident, j’ai été jugé, j’ai payé. Ce qui
m’énerve, parfois, c’est quand on me
rabaisse à n’être que le “fils de” ou quand je
lis, à propos d’un personnage que j’incarne :
“Le fils de Delon a un melon plus gros que
Delon.” La remarque est digne d’une cour
de récréation. Comme si mon travail ne pou-
vait pas être reconnu! Mais le temps trans-
forme tout. Je deviens plus mature, plus
homme. J’ai envie d’autre chose. J’espère
avoir bientôt le luxe de choisir des rôles
très différents parmi ceux qu’on m’offrira.
Le rôle de Xavier, jeune héritier rebelle et
malheureux qui se défonce dans la série
“Grand hôtel”, diffusée sur TF1, et celui de
Charlie, qui “fout la merde” dans le film “Un
monde ailleurs”, sorti au cinéma en octobre
dernier, vous ressemblent-ils?
“Un monde ailleurs” est un film expéri-
mental. En atterrissant en Guyane, où il a
été tourné, je ne savais même pas quel rôle
j’allais jouer. Il n’y avait aucune volonté de
la part du réalisateur, donc pas vraiment de
proximité avec moi. Quant à Xavier, il res-
semble totalement à ce que j’ai pu être et
que je ne suis plus. Aujourd’hui, je bois de
l’eau et du Red Bull. Début septembre, j’ai
été hospitalisé quatre jours pour un pneu-
mothorax ; j’ai failli perdre le poumon droit,
j’ai eu la peur de ma vie. Je ne fume plus
du tout, j’ai fait semblant pour les photos,
je suis passé à la fausse clope Nicorette,
j’avais déjà arrêté les pétards et je me sens
beaucoup mieux. Xavier, c’est un rôle, ce
n’est pas moi, même si j’étais conscient au
départ qu’il pouvait y avoir une ambiguïté.


Mais ceux qui ont regardé les quatre der-
niers épisodes de la série ont découvert une
facette très différente du personnage, qui
devient quelqu’un de bien. C’est un peu
ma trajectoire.
Comment vous construisez-vous et de quoi
vous nourrissez-vous pour avancer?
Je lis peu. Je regarde beaucoup. J’ai un
rétroprojecteur, un grand mur blanc. Je
visionne plusieurs films chaque soir, jusqu’à
5 heures du matin. J’observe, j’enregistre.
Le découpage, le jeu des acteurs... J’étudie
les longs plans-séquences hallucinants
chez Scorsese, dont j’ai vu certains films en
boucle. J’ai beaucoup à apprendre, je suis au
début de ma carrière. Contrairement à ma
sœur, je n’ai pas pris de cours de comédie.
Quand il faut camper un personnage, déli-
vrer des émotions, je puise dans ce que j’ai
vécu. Je me suis construit malgré les autres,
à contre-courant. Lorsque j’avais 18 ans, on
n’a plus voulu que je fasse ce métier, alors
qu’avant on m’y encourageait. L’époque
n’a pas été simple à vivre. Je me souviens
que mon premier agent m’a choisi parce
qu’il détestait mon père, juste pour l’em-
merder, ce qui ne favorisait pas le climat

Au billard aussi, son père a été un exemple.
Ici, à l’hôtel Président Wilson à Genève en 2010.

Alain-Fabien Delon : « Je crois que


mon père se rend compte que je ne suis


pas le petit branleur de la famille »


[suiTe PaGe 88 ]

de confiance. Mon père, à un moment, a
cru qu’on profitait de son nom dans son
dos, ce qui a pu être vrai, mais c’était il y
a longtemps. Maintenant je suis sérieux, je
travaille avec des gens sérieux. Et ça, mon
père le respecte.
Dans votre roman, “De la race des sei-
gneurs”, publié il y a deux ans, le narrateur
dit en parlant de son père, acteur mythique :
“La comparaison sera toujours violente et
défavorable.” Vous le pensez aussi?
Non, même si cette façon de flinguer les
“fils de” est typiquement française. J’ai
commencé à travailler dans la mode à
l’étranger parce que personne ne voulait
de moi ici. A force de boulot, à force de
montrer que j’étais pro et clean, on m’a
moins comparé à mon père. Je dois pour-
suivre ce chemin. Un jour, j’espère, j’aurai
accompli autant de choses que lui. Je mets
tout en œuvre pour, rien n’est impossible.
Ce roman, c’était aussi une façon de lui dire
– et je le lui ai dit et nous en avons rigolé :
“Tu vois, je n’ai pas encore fait tout ce que
tu as fait, mais j’ai écrit un livre. Toi, non.”
Est-ce vraiment lui qui vous avait annoncé
que vous aviez décroché le rôle pour la série
“Grand hôtel”?
Il m’a effectivement appelé un matin pour
me le dire. Il l’a su parce qu’il est ami avec
des gens importants chez TF1. Mais ce n’était
pas la première fois que cela arrivait. A la
sortie de la projection de mon premier film,
“Les rencontres d’après minuit”, à Cannes,
je lui ai téléphoné, en proie au doute. Il m’a
répondu : “Ne t’inquiète pas, moi
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