part 3. 1931–1945: prewar and war poetry
Non, elle est là et bien là,
Qu’importe si le sommeil nous abuse
Il faut se brûler les yeux,
Endurer cette douce sou√rance,
Ébranler, perdre même la raison,
Détruire ce qui viendrait à détruire
L’apparition merveilleuse
Accueillie comme on tremble
A la vue d’un visage saisi par la mort
Dans le dernier éclat de sa fleur.
Elle est là pour veiller sur nous
Qui ne dormons que pour la voir
Quand par honte, par peur de nos larmes
Nous ne songeons le jour qu’à fuir dehors
Non sans guetter là aussi son retour
Et c’est en quête d’un mauvais refuge
Nous abrutir sous le soleil qui brûle.
Ce que le cœur reconnaît, la raison le nie.
Un rêve, mais est-il rien de plus réel qu’un rêve?
Faut-il se résigner à vivre sans rêver
Que l’enfant aimantée vers ses lieux familiers
Vient dans ce jardin de roses, et chaque nuit
Revient emplir la chambre de sa flamme candide
Qu’elle nous tend comme une o√rande et une prière?
Ces visions n’étaient qu’une erreur de l’oubli,
Leur charme sèchement rompu nous enseigne que
Revendiquer son bien n’est pas l’avoir.
Fini donc, fini ce leurre entretenu
Elle n’est pas où nous croyions la voir
Ni là où nous ne serons pas davantage.
Muets tout au fond de la terre
Qui, sauf à se donner le change,
Pourrait désormais nous entendre
Comme au temps des amours heureuses
Où nous étions de vivantes personnes
A l’écoute du moindre aveu sur nos lèvres
Mais libres de parler ou de se taire?