part 4. 1946–1966: the death of andré breton, the beginning of l’éphémère
Même si la montagne
1
Même si la montagne se consume, même si les suivants s’entretuent...
Dors, berger. N’importe où. Je te trouverai. Mon sommeil est l’égal du tien. Sur le
versant clair paissent nos troupeaux. Sur le versant abrupt paissent nos
troupeaux.
2
Dehors, les charniers occupent le lit des fleuves perdus sous la terre. La roche
qui se délite est la sœur du ciel qui se fend. L’événement devance les présages, et
l’oiseau attaque l’oiseau. Dedans, sous terre, mes mains broient des couleurs à
peine commencées.
3
Ce que je vois et que je tais m’épouvante. Ce dont je parle, et que j’ignore, me
délivre. Ne me délivre pas. Toutes mes nuits su≈ront-elles à décomposer cet
éclair? O visage aperçu, inexorable et martelé par l’air aveugle et blanc!
4
Les gerbes refusent mes liens. Dans cette infinie dissonance unanime, chaque
épi, chaque goutte de sang parle sa langue et va son chemin. La torche, qui éclaire
et ferme le gou√re, est elle-même un gou√re.
5
Ivre, ayant renversé ta charrue, tu as pris le soc pour un astre, et la terre t’a
donné raison.
L’herbe est si haute à présent que je ne sais plus si je marche, que je ne sais plus
si je suis vivant.
La lampe éteinte est-elle plus légère?
6
Les champs de pierre s’étendent à perte de vue, comme ce bonheur insup-
portable qui nous lie, et qui ne nous ressemble pas. Je t’appartiens. Tu me
comprends. La chaleur nous aveugle...