The Yale Anthology of Twentieth-Century French Poetry

(WallPaper) #1

part 4. 1946–1966: the death of andré breton, the beginning of l’éphémère


La nuit qui nous attend et qui nous comble, il faut encore décevoir son attente
pour qu’elle soit la nuit.


7

Quand marcher devient impossible, c’est le pied qui éclate, non le chemin. On
vous a trompés. La lumière est simple. Et les collines proches. Si par mégarde
cette nuit je heurte votre porte, n’ouvrez pas. N’ouvrez pas encore. Votre absence
de visage est ma seule obscurité.


8

Te gravir et, t’ayant gravie — quand la lumière ne prend plus appui sur les
mots, et croule et dévale, — te gravir encore. Autre cime, autre gisement.


Depuis que ma peur est adulte, la montagne a besoin de moi. De mes abîmes,
de mes liens, de mon pas.


9

Vigiles sur le promontoire. Ne pas descendre. Ne plus se taire. Ni possession,
ni passion. Allées et venues à la vue de tous, dans l’espace étroit, et qui su≈t.
Vigiles sur le promontoire où je n’ai pas accès. Mais d’où, depuis toujours, mes
regards plongent. Et tirent. Bonheur. Indestructible bonheur.


Commencer


Commencer comme on déchire un drap, le drap dans le plis duquel on se
regardait dormir. L’acte d’écrire comme rupture, et engagement cruel de l’esprit,
et du corps, dans une succession nécessaire de ruptures, de dérives, d’embrase-
ments. Jeter sa mise entière sur le tapis, toutes ses armes et son sou∆e, et consi-
dérer ce don de soi comme un déplacement imperceptible et presque indi√érent
de l’équilibre universel. Rompre et ressaisir, et ainsi renouer. Dans la forêt nous
sommes plus près du bûcheron que du promeneur solitaire. Pas de contempla-
tion innocente. Plus de hautes futaies traversées de rayons et de chants d’oiseaux,
mais des stères de bois en puissance. Tout nous est donné, mais pour être forcé,
pour être entamé, en quelque façon pour être détruit, — et nous détruire.

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