The Yale Anthology of Twentieth-Century French Poetry

(WallPaper) #1

part 4. 1946–1966: the death of andré breton, the beginning of l’éphémère


Pour Mycéa


Ô terre, si c’est terre, ô toute-en-jour où nous sommes venus. Ô plongée dans
l’éclat d’eau et la parole labourée. Vois que tes mots m’ont déhalé de ce long songe
où tant de bleu à tant d’ocre s’est mis. Et vois que je descends de cette nuit,
entends


***

Si la nuit te dépose au plus haut de la mer
N’o√ense en toi la mer par échouage des anciens dieux
Seules les fleurs savent comme on gravit l’éternité
Nous t’appelons terre blessée ô combien notre temps
Sera bref, ainsi l’eau dont on ne voit le lit
Chanson d’eau empilée sur l’eau du triste soir
Tu es douce à celui que tu éloignes de ta nuit
Tel un gravier trop lourd enfoui aux grèves de minuit
J’ai mené ma rame entre les îles je t’ai nommée
Loin avant que tu m’aies désigné pour asile et sou∆e
Je t’ai nommée Insaisissable et Toute-enfuie
Ton rire a séparé les eaux bleues des eaux inconnues


***

Je t’ai nommée Terre blessée, dont la fêlure n’est gouvernable, et t’ai vêtue de
mélopées dessouchées des recoins d’hier
Pilant poussière et dévalant mes mots jusqu’aux enclos et poussant aux lisières
les gris taureaux muets
Je t’ai voué peuple de vent où tu chavires par silences afin que terre tu me
crées
Quand tu lèves dans ta couleur, où c’est cratère à jamais enfeuillé, visible dans
l’avenir


***

J’écris en toi la musique de toute branche grave ou bleue
Nous éclairons de nos mots l’eau qui tremble
Nous avons froid de la même beauté
Le pays brin à brin a délacé cela qu’hier
Tu portais à charge sur ta rivière débordée

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