part 5. 1967–1980: the explosion of the next generation
Des rites
Le lieu et la formule reculent avec l’écho à la reconquête des territoires en
friche. On ne cessera de les poursuivre à bride abattue dans la direction du point
de fuite de ce qui nous échappe à plaisir.
Au début de chaque saison du corps, les nomades se rassemblent pour mieux
se séparer.
Aucun mot n’est prononcé sur la lande frémissante tandis que les enfants
jouent à saute-mouton sur leur destin. Des cordons ombilicaux sont distribués
aux plus jeunes d’entre eux pour qu’ils se familiarisent avec les joies du lasso.
Les cérémonies de séparation se déroulent dans l’air raréfié de novembre. Par
intermittence, on projette quelques images fugitives sur les brouillards inces-
tueux dont les plus décisives particules restent en suspension dans l’atmosphère.
A l’aide de subtils frôlements, on soigne les blessures occasionnelles (dues à la
lenteur inévitable de certains voyages), par exemple la méconnaissance tem-
poraire de la partie sud-est de la pensée. Les pratiques magiques auxquelles on a
recours en pareille circonstance ont pour résultat d’arrêter l’amoncellement des
cercles concentriques tétanisés : ceux-ci se détachent progressivement les uns des
autres. On assiste à un gonflement spectaculaire des distances intérieures. Et
brusquement, la partie autrefois malade devient visible, palpable, sautillante,
étincelante, de nouveau impatiente d’envahir.
Lentement se déploient des présences de proie. Les fouets claquent l’échine de
l’air. Et la lande disparaît sous les routes qui poudroient. De jeunes ventres ont
irrémédiablement brisé leurs amarres.
Nous n’arpenterons plus les champs de l’amour, nous les relierons à la mer.