part 6. 1981–2002: young poetry at the end of the millennium
Le Vie du scarabée
(extraits)
Et le paon repartait se pavaner seul dans le parc.
Ou bien un geste, simple: il traçait une diagonale sur les choses. Sur toutes les
choses. Celles de son esprit, celles de ses yeux, celles de ses mains. C’était curieux,
tout à coup: plus de dessus, plus de dessous, plus de haut ni de bas.
«Ne l’oublie pas, ta parole est dans ton dos, toujours passée, perdue dès que
prononcée, à l’instant tranchée de toi-même. Mais elle repousse, regarde, chaque
fois. Une vraie queue de lézard. Il n’oubliait pas.»
Le rêve, un matin peut-être: plus ce chahut des pensées.
Il se demandait s’il existait des pendules qui relâchaient un peu le mouvement
quand on les appelait par leur nom.
Même une simple inflexion de la voix pouvait tout transformer, non?
Il chantait ses listes: «L’arbre qui devine, la violence de l’illusion, la très savante
machinerie des intérêts, ce qui enfermait, ce qui délivrait.»
Car ce qu’il cherchait encore, ce devait être aussi une parole indi√érenciée, qui en
aurait perdu son maître, son auteur — une aiguille de foin dans le foin.
Et le paon repartait se pavaner seul dans le parc, sous le regard de rien.
Le rêve, peut-être un soir: juste une sorte de grand sourire venant planer quel-
ques secondes sur l’apaisement absolu.
Et puis la lumière, surtout. Qui s’amusait vraiment de l’air. Qui semblait, lui,
constamment rire d’elle. Ce qui faisait que l’on ne pouvait jamais décider lequel
des deux était le plus souple, le plus joueur. Même si la lumière, surtout.
Quand une larme roulait sur sa joue. Enfin.