28 Prepositions
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Ils sont tous là, sanshistoire et sansdéfilé:
Ben, César, Yves Klein, Arman ou Martial
Raysse. On ne sait plus s’ils sont nés àNice
ou y ont été attirés parle soleil. Comme
leurs ascendants, les Picasso, les Chagall, les
Matisse. Il y a ce musée d’art moderne et
d’art contemporain qui fait figure de
Beaubourg local, àdeux pas desavenues
roulantes et duPaillon – la rivière d’ici –
recouvert. Del’extérieur, le bâtiment effraie,
choque, tranche sanseffort avec
l’architecture balnéaire années 50, les villas
maures, le côté rococo fin desiècle qui
règnent, avecun vrai charme rétro, au-
dehors. Auseptième étage, surun terre-plein
conçu comme un pont debateau un peu
glissant, s’offre la plus belle vue surla ville
et les collines plantées depins et d’oliviers.
Nice, dansses ors d’hiver doux, ses stucs
et ses palais, garde le charme d’une ville de
toutes les époques. On s’attendrit surson
passé deville italienne enlongeant les
ruelles qui mènent aucours Saleya. Rue
Droite, rue Sainte-Réparate, les couleurs
sont rouges comme enLigurie. Le palais
Lascaris, comme les églises duJésus et de
la Miséricorde, la cathédrale et son
campanile, le tribunal et l’opéra, joue la
carte dubaroque.
Jusqu’en1860, l’antique Nikaia hésita
surson destin. Elle appartint, avectout son
comté, auriche domaine dela famille de
Savoie, flirta avecle Piémont, campa
jalousement surses frontières. Elle n’est
française que depuisun peu plus d’un
siècle. Elle demeure cosmopolite, tendre,
douce, méditerranéenne, ouverte àtoutes les
influences. Paul Morand, dansun poème
desannées 20, notait que ‘l’azur PLM [y] a
un goût d’aloès’et que ‘les villas khédivales
n’ont RIEN ÀLOUER’– enmajuscules
dansle texte.
Surle plateau duMont-Boron, un
demi-siècle plus tard, rien ou presque n’a
changé. Même si les palais maures, avec
leurs tours hautes comme des minarets, ont
été divisés enappartements qu’occupent les
pensionnaires del’Opéra local. Ve r sCimiez,
les hôtels Régina, Majestic ou Impérial ont
perdu de leur superbe. La statue dela reine
Victoria, recevant l’offrande enfleurs des
habitants d’ici, rappelle que les Anglais
venaient y passer l’hiver, soigner leurs
bronches dansl’arrière-pays embaumé de
pins maritimes, visiter les vergers plantés
d’oliviers ou encore musarder desplages
douces auxarènes.
Le musée Matisse,d’un rouge pompéien
tranchantsurle vert crudujardin et le bleu
tendreduciel, y abrite tout l’œuvre sculpté
du maître et bon nombredeses œuvres
mystiques – cellesdela chapelledeVence.
L’inspiration biblique de Chagall,enson
musée, n’est pas loin non plus. Ni l’église
russe dédiéeautsar Nicolas II.Delààdire
que Nice respire un airdesainteté, il n’y a
qu’un pas qui fait oublier la rumeurdes
‘affaires’. Envolé le souvenirdeSpaggiari,
deMédecin,deFratoni,deRenée Leroux,du
casino Ruhl,del’atmosphèred’une ‘Affaire
intime’. C’est là que Max Gallo écrivit aussi
son beau livreQue sont les siècles pour la
mer?Là que Louis Nucera poursuit la magie
populairedel’Avenuedesdiables bleus.
Nice, baie des arts
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