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Elles nous paraissent aujourd’hui blanches
et austères. Au Moyen Âge, les églises
étaient bigarrées, rutilantes de couleurs.
Une redécouverte récente.
«Imaginez les portails des cathédrales
d’Amiens, de Chartres ou de Strasbourg
explosant de couleurs. Les statues
monumentales, aujourd’hui si austères,
allégrement bariolées de teintes rouges,
bleues, vertes ou jaunes! C’est cette vision
technicolor qu’offrait le Moyen Âge. Car,
à l’époque, les façades des cathédrales
gothiques pas plus que les romanes
n’étaient blanches. Les sculptures et les
porches étaient entièrement peints.
Bigarrés. Éclatants», s’enthousiasme
Anne Egger, docteur en histoire de l’art et
spécialiste du sujet.
Il aura pourtant fallu près de sept siècles
pour redécouvrir l’existence de cette
polychromie. Une couleur retrouvée à la
suite des travaux de restauration et
nettoyage des pierres au laser, entrepris
dans les années 1990, notamment à Amiens.
Depuis, la liste des monuments gothiques
émaillés de traces de peintures n’a cessé de
s’allonger en France, en Italie, en Espagne,
aux Pays-Bas, en Allemagne...
«Les cathédrales, comme toutes les
églises médiévales, ont été peintes et
régulièrement repeintes du XIIe au XVIe
siècle. Pourquoi s’en étonner? Les
sanctuaires de toutes les religions l’ont été.
Les temples grecs, romains. En quoi la
polychromie ornant des édifices de la
chrétienté serait-elle choquante?»
interroge Anne Egger. Le Moyen Âge
avait peur du noir. De tout ce qui était
sombre. Obscur. Et pour faire entrer le
peuple des fidèles en son sein, qu’y avait-
il de plus attractif pour l’Église, dans un
monde alors incolore, que ces imposants
temples rutilants dédiés à Dieu, dont les
flèches orgueilleuses se dressaient vers le
ciel? Des cathédrales magnifiées par des
décors intérieur et extérieur multicolores
et lumineux. Dieu n’était-il pasLumière?
«Colorer ces édifices renforçait leur
beauté et leur rayonnement symbolique,
tout en facilitant probablement
l’identification des figures. Imaginez
l’impact que cela pouvait avoir sur la
population illettrée de l’époque. Un
véritable spectacle. En étudiant la façade
de la cathédrale d’Amiens, on a même
relevé des traces de fumées de torches. La
nuit, elle était éclairée. Les statues
hiératiques des porches devaient prendre
vie et s’animer à la lueur des flammes!»
Avec la couleur, c’est la Jérusalem
Céleste étincelante aperçue par l’apôtre
Jean dans l’Apocalypse que l’on veut
restituer. Celle aussi du temple de
Jérusalem bâti par Salomon, que décrit
Quand les cathédrales étaient peintes
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