A
près 2020, placée sous le signe
d’une pandémie et d’une réces-
sion historiques, 2021 fut mar-
quée par un rattrapage et une forte reprise
dans les pays bénéficiant de la vaccina-
tion et d’un soutien conséquent de l’ac-
tivité des pouvoirs publics. Mais les
espoirs d’une sortie de l’épidémie furent
déçus. Dès lors, l’année 2022 concentrera
tous les risques. Elle débute sous le signe
d’une cinquième vague de Covid, tout en
voyant apparaître les véritables coûts des
interventions publiques et s’exacerber
les tensions politiques et stratégiques.
L’épidémie de Covid a touché près de
290 millions de personnes et provoqué
5,5 millions de morts dans le monde of-
ficiellement – deux à trois fois plus selon
l’OMS. Loin de s’éteindre, elle connaît un
regain avec la déferlante Omicron, qui a
imposé le retour aux restrictions sani-
taires, au contrôle renforcé des frontières,
à la fermeture partielle de certains sec-
teurs d’activité, en passant par des confi-
de la lutte contre le changement clima-
tique. D’où moins de croissance et plus
d’inflation, donc un risque de stagflation.
Gouvernements et banques centrales
seront écartelés entre le soutien de l’éco-
nomie face à Omicron et la lutte contre
l’inflation, entre la gestion des incerti-
tudes conjoncturelles et la réponse aux
défis structurels du vieillissement démo-
graphique, de l’accroissement des inéga-
lités, de l’innovation et de la transition
écologique. Or les aides massives aux re-
venus des ménages et au chiffre d’affaires
des entreprises ne peuvent être prolon-
gées indéfiniment. L’inflation menace la
crédibilité des banques centrales et pé-
nalise les plus pauvres. La réduction pro-
gressive des émissions de liquidités et la
hausse des taux d’intérêt sont donc in-
dispensables et seront plus rapides et
fortes qu’attendu. Avec des effets désta-
bilisateurs pour les pays surendettés.
La prise de conscience qu’une pandé-
mie s’inscrit dans un temps long a des ef-
fets politiques délétères, particulièrement
dans les démocraties. La lassitude et l’exas-
pération de l’opinion se traduisent par
une opposition croissante aux mesures
sanitaires, sur fond de montée de l’irra-
tionalité et de la violence. Simultané-
ment, la défiance se généralise envers les
institutions et les dirigeants.
Sur le plan international, les tensions
se renforceront en 2022 autour du contrôle
des ressources rares mais aussi du choc
des puissances. Le djihadisme poursuit
sa progression du golfe de Guinée aux
Philippines. Les guerres sans fin se mul-
tiplient, de l’Éthiopie au Myanmar en
passant par la Syrie ou le Yémen. L’évo-
lution la plus inquiétante concerne ce-
pendant le risque de conflits majeurs, sur
fond de nouvelle guerre froide entre les
« Quelle expérience avez-vous en Chat perché? » États-Unis et la Chine. Et ce sur trois
Pandémie, inflation, bouleversements
géopolitiques, accroissement des inégalités...
Cette année s’annonce incertaine.
Les motifs d’espoir pour 2022
par Nicolas Baverez
nements en Autriche et aux Pays-Bas.
Avec pour effet immédiat la réduction
de la consommation, mais surtout la dé-
sorganisation du travail et des chaînes
d’approvisionnement.
Après la Chine et les États-Unis, l’Eu-
rope a retrouvé son niveau d’activité de
fin 2019. Mais les pertes enregistrées sont
colossales. Et la reprise freinera fortement
en 2022, avec une croissance de l’ordre
de 4,5 % dans le monde, 4,2 % dans la
zone euro et 4 % en France. Le ralentis-
sement sera particulièrement sensible
en Chine, en raison du défaut du secteur
immobilier, et dans les pays émergents,
où la vaccination demeure limitée. Si-
multanément, l’inflation accélérera en
raison de l’amorçage de la spirale entre
prix et salaires aux États-Unis et en Europe,
des contraintes d’offre dans l’énergie,
mais aussi des mesures sanitaires pour
tenter d’endiguer le variant Omicron, de
la fragmentation de la mondialisation,
des conflits géopolitiques et des exigences
Allons enfants de l’Union...
10 | 6 janvier 2022 | Le Point 2578
ÉDITORIAUX
ILLUSTRATION : JEAN POUR « LE POINT » – KIRAN RIDLEY/GETTY IMAGES VIA AFP