Le Point - FRA (2022-01-06)

(EriveltonMoraes) #1

EN COUVERTURE


la révision du Code du tra-
vail ou encore la réforme de la
SNCF. Les 17 milliards d’euros de
mesures annoncés en avril
2019 pour calmer la colère sur les
ronds-points avaient notamment
enterré la promesse de maîtrise
des finances publiques du candi-
dat Macron, qui prévoyait 60 mil-
liards d’euros d’économies
budgétaires et la suppression de
120 000 postes de fonctionnaires.
Le Covid-19 n’a pas seulement
fini de libérer les pulsions dépen-
sières du chef de l’État, de transfor-
mer le rigoriste budgétaire en
« ultra-keynésien » décomplexé, re-
vendiquant sa politique du « quoi
qu’il en coûte ». Il a aussi changé
avec une étonnante rapidité le
« libre-échangiste mondialiste » décrit
par ses adversaires politiques en
fervent défenseur du souverainisme
économique, il a métamorphosé le
« social-libéral » assumé en « étatiste »
convaincu. Et, alors que le candi-
dat avait promis d’être le « grand li-
bérateur » de notre économie, le
président met aujourd’hui en avant
son rôle de « grand protecteur ».
Contre la récession, contre le chô-
mage, les faillites, la chute des re-
venus, la pauvreté et, depuis peu,
contre l’inflation.
La pandémie aura paradoxale-
ment beaucoup servi, sur le plan
strictement économique, le chef
de l’État. D’abord en lui permet-
tant de justifier son renoncement
aux réformes annoncées mais aussi
de légitimer du même coup sa can-

Dépenses publiques
En % du PIB

Dette publique brute
Comparaison France-Allemagne, en % du PIB

Balance commerciale
En 2020, en milliards d’euros

40

60

80

100

120

2010 2012 2014 2016 2018 2020

FRANCE

ALLEMAGNE

68,7

115

82

85,3

France
EspagneAllemagne

Italie
BelgiqueZone euroSuède Roy.-Uni Pays-Bas

30

35

40

45

50

55

60

183,3


  • 82,6

    • 15,8




Source : Eurostat.

Sources : Eurostat, Fipeco.

Source : Eurostat.

EXCÉDENTS

DÉFICITS

Allemagne
Pays-Bas
Italie
Belgique
Suède

68,5
63,6
20,7
5,1

France
Espagne

2019 2020

Il faut toutefois être un macro-
niste de stricte obédience pour ne
pas reconnaître que ces bonnes
performances ont un caractère
éminemment artificiel, qu’elles
ont été obtenues à crédit et grâce
au recours effréné à la dette. Et
pour refuser d’admettre que les
grands maux dont souffrait notre
économie il y a cinq ans et que le
candidat Macron se proposait de
soigner se sont aggravés depuis.
À commencer par le commerce
extérieur, dont le ministre de l’Éco-
nomie, Bruno Le Maire, a l’honnê-
teté de dire qu’il constitue « l’angle
mort de la politique économique » et
doit constituer la priorité du pro-
chain quinquennat. Le déficit de la
balance commerciale devrait frô-
ler l’année prochaine la barre des
100 milliards d’euros, après avoir
déjà atteint un niveau record de
85 milliards d’euros en 2021, mon-
tant près de deux fois supérieur aux
44 milliards d’euros observés en


  1. La dégradation spectaculaire
    et pourtant très peu médiatisée de
    notre commerce extérieur signale
    sans équivoque que la grande ba-
    taille de la compétitivité que le can-
    didat Macron entendait mener a
    été perdue. Elle témoigne des graves
    et persistants retards technolo-
    giques du pays, d’un écosystème
    institutionnel et fiscal toujours
    aussi peu favorable à la recherche,
    à l’innovation et à l’accompagne-
    ment financier des start-up. Elle re-
    flète les difficultés structurelles de
    notre appareil industriel pour fa-


didature à un second mandat afin
de pouvoir les mettre en œuvre.
Comme celle de l’État, qui s’est
pour l’instant résumée de façon
symbolique à supprimer l’ENA et
à la remplacer par un Institut na-
tional de service public. Comme
également celle des retraites, mal
engagée dès le départ et reportée
à des jours sanitaires meilleurs.
La très généreuse politique du
« quoi qu’il en coûte », menée de-
puis deux ans, permet surtout au
chef de l’État d’aborder l’échéance
électorale en présentant, à la dif-
férence de son prédécesseur, un
bilan économique apparemment
flatteur : une croissance exception-
nellement forte (6,5 % en 2021) et
supérieure à celle de la zone euro
(5 %), un chômage au plus bas de-
puis plus de dix ans, un taux d’em-
ploi record, une pauvreté contenue
malgré la crise et un pouvoir
d’achat en nette hausse sur l’en-
semble du quinquennat, etc.

Mains tendues.
Avec Olaf Scholz,
le 10 décembre 2021.
Emmanuel Macron est
alors le premier diri-
geant international à
recevoir le nouveau
chancelier allemand.
Mais, en termes de
« performances » éco-
nomiques, la France
souffre considérable-
ment de la comparai-
son avec l’Allemagne.

ENDETTEMENT, DÉPENSES, COMMERCE EXTÉRIEUR : DES INDICATEURS DANS LE ROUGE


30 | 6 janvier 2022 | Le Point 2578

LIEWIG CHRISTIAN/ABACA

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