EN COUVERTURE
bande, qui occupe le rôle le
plus central et visible (lire ci-des-
sous). L’ancien bras droit du secré-
taire général de l’Élysée, Alexis
Kohler, pilote, sans aucune attri-
bution officielle, toute la prépara-
tion programmatique. À la manière
de l’économiste Jean Pisani-Ferry
en 2017, ce parfait anonyme à la
tête bien faite dirige, dans l’ombre,
les groupes de travail à la recherche
de quelques réformes qui pour-
raient faire mouche.
Le président garde une affection
particulière pour cette jeune garde
rapprochée inconnue des Français
qui lui a permis d’incarner la révo-
lution vis-à-vis des vieux partis. « La
force des “Mormons”, c’est d’avoir
réussi à faire croire qu’ils étaient in-
contournables », griffe un conseiller
influent du pouvoir. Toujours en
alerte, ils ne se privent jamais de
faire passer des messages en haut
lieu, par l’intermédiaire d’Alexis
Kohler, dont ils sont proches. Mais
ils savent que, pour se faire réélire,
Emmanuel Macron aura besoin de
raconter une nouvelle histoire. « Au-
cun des “Mormons” ne manquera,
mais tous auront un rôle différent.
2022 ne peut pas être le pont d’Arcole
de 2017 », prévient un fidèle du chef
de l’État. Comme tous les prési-
dents, le locataire de l’Élysée mul-
tiplie les cercles d’influence autour
de lui. Et plus il y a de cercles, plus
Pourtant, dans les allées du pou-
voir, les « Mormons » restent ja-
lousés autant qu’ils sont conspués.
« Le risque pour Emmanuel Macron,
c’est lui-même et surtout le retour des
petits marquis qui ont fait 2017 »,
s’affole un ami du président. On
leur reproche une attitude pas fran-
chement chaleureuse, parfois sec-
taire. Ces chevau-légers n’ont
d’ailleurs pas laissé que de bons
souvenirs à l’Élysée. En particu-
lier du côté de l’« aile Madame »,
où sont installés les bureaux de
l’épouse du président et de ses
équipes.
Au début du quinquennat, la
mise en scène de la présidence ju-
pitérienne théorisée par Ismaël
Emelien éloigne le chef de l’État
des Français. Brigitte Macron s’en
inquiète. Même les enfants de la
première dame « ne reconnaissaient
plus Emmanuel ». Pis, l’épouse du
président semble mise de côté,
n’apparaissant sur aucune image,
leur mariage est carrément passé
sous silence sur sa biographie du
site Internet du Palais. « Les “Mor-
mons” voulaient une relation exclu-
sive avec le président, que tout passe
par eux. Ils ont contribué à façonner
l’image d’un chef de l’État sans at-
il a l’impression de les maîtriser,
jouant parfois les uns contre les
autres. Voué à occuper les premiers
postes, Sébastien Lecornu, trans-
fuge des Républicains, l’a bien com-
pris. Le ministre des Outre-mer,
rompu à la politique à l’ancienne,
l’anti-« Mormon » par excellence,
compose avec eux. Il est en lien avec
Ismaël Emelien, encore lui.
Duo. Emmanuel
Macron, alors ministre
de l’Économie, et sa
conseillère presse et
communication, Sibeth
Ndiaye, travaillent
à la bibliothèque
de l’Assemblée
en janvier 2015.
...
David Amiel, la boîte à idées
En macronie, ce normalien de 29 ans est
considéré comme l’alter ego d’Ismaël
Emelien. Un « créatif », lui aussi, une émi-
nence grise venue du PS qui n’aime rien
de moins que concevoir des projets poli-
tiques. Présent dans l’équipe de la cam-
pagne présidentielle de 2017, il intègre
ensuite le Château comme bras droit
d’Alexis Kohler. Tout passe par lui avant
d’atterrir sur le bureau du secrétaire géné-
ral. « Il était un peu la mascotte de l’Élysée,
tout à la fois respecté et apprécié de toute
l’équipe malgré son statut de benjamin », se
souvient Philippe Grangeon, ex-conseil-
ler spécial du président. Réputé « agile »,
ce « gros consommateur de Jérôme Fourquet »,
comme il se décrit, gère aujourd’hui
la stratégie digitale de La Poste, en atten-
dant, pourquoi pas, de se rendre dispo-
nible pour le futur candidat. Depuis
l’automne, il active ses réseaux, contacte
des contributeurs. On lui doit
le programme de Benjamin Griveaux
pour les municipales. « C’est un type subli-
mement intelligent, mais totalement à côté
de la plaque », dézingue un interlocuteur
régulier d’Emmanuel Macron. « Parfois,
quand il parle, je ne comprends pas tous
les mots », taquine l’un de ses amis §
Manifeste. David Amiel (à gauche) et Ismaël Emelien.
40 | 6 janvier 2022 | Le Point 2578
ELODIE GREGOIRE/REA – STEPHANE ALLAMAN/SIPA