Nucléaire iranien.
Le 2 juillet 2019,
le Premier ministre
Benyamin Netanyahou,
le président Rivlin
et le chef d’état-major
israélien félicitent
l’une des espionnes
du Mossad.
visite à Damas, Yasser Arafat éclata
en sanglots en entendant la nou-
velle. Il fut immédiatement exfil-
tré vers une cachette secrète. Son
entourage redoutait qu’Israël n’ait
l’intention d’éliminer tous les chefs
du Fatah. Il ne sortit de sa cachette
que plusieurs jours plus tard.
Erika se décoiffa, adopta une
expression de peur et de désarroi,
et dévala l’escalier. Elle devait quit-
ter le pays, et sa fuite dépendait de
ce qu’elle allait faire au cours des
dix prochaines minutes. Elle sur-
git dans la rue envahie par la fu-
mée, au milieu des blessés et des
passants horrifiés, sous l’aspect
d’une femme apeurée et totale-
ment désorientée. Elle se précipita
vers la Datsun qu’elle avait louée
et la démarra (...).
Dina, Téhéran, 2018
Cette nuit-là, Sammy et Dina, deux
jeunes guerriers du Mossad, se
mirent en route pour une mission
extrêmement dangereuse à Téhé-
ran. Ils sortirent d’une voiture dans
les faubourgs de la ville et arpen-
tèrent les rues sombres de Shura-
bad, un des quartiers les plus
négligés de la capitale iranienne.
Ce n’était pas la première fois
que Dina était envoyée dans le sec-
teur. Elle lança un regard à Sammy,
qui avait l’air d’un Iranien avec sa
courte barbe et sa chemise sans col.
Il portait une veste élimée et un
jean délavé. Dina était impeccable-
ment vêtue d’amples vêtements
noirs et d’un tchador. Elle parlait
plusieurs langues, y compris le per-
san. Ils avaient mémorisé une ex-
plication logique à leur présence
dans ce quartier, au cas où ils se-
raient interrogés par la police. (...)
Comme lors de chaque mission
dans ce quartier, Dina sentait la
tension monter. À tout moment
pouvait surgir un peloton de pas-
darans, une équipe de gardiens de
la vertu, ou peut-être même une
patrouille de nuit de la police ou
de l’armée. Elle sentait qu’un
terrible danger planait au-dessus
de leurs têtes et que la moindre
erreur pourrait se terminer d’une
seule façon : la pendaison en pu-
blic du haut d’une grue en plein
cœur de la ville.
Elle se souvenait de la première
fois où elle avait vu la structure
que ses amis appelaient « l’entre-
pôt », un immeuble délabré aux
murs sales, dont la peinture jaune
avait passé depuis longtemps. Son
toit était légèrement bombé, et sa
porte faite de tôle ondulée. À sa
droite, un parking mal ombragé
pouvait contenir tout au plus deux
véhicules. En été, le gardien avait
l’habitude de venir s’y protéger de
la chaleur torride. Elle ignorait ce
que renfermaient ces murs. Mais
chaque fois qu’elle rentrait de ses
tournées ici et remettait ses cli-
chés à son supérieur, elle devait
tout noter : les portes du bâtiment
sont-elles ouvertes? Y a-t-il des
gens qui entrent et qui sortent? Et
si oui, quand? Chargent-ils et dé-
chargent-ils des équipements dans
et hors de véhicules garés à l’exté-
rieur? Combien de gardes sont dis-
posés sur le site en permanence?
Des soldats ou des policiers pa-
trouillent-ils dans le quartier? (...)
Dina et Sammy atteignirent le
mur d’enceinte de la maison aban-
donnée. Par des mouvements ra-
pides et experts, Dina sortit le
matériel de prise de vue. Après
avoir effectué de longues études
d’ingénieur, elle appréciait de tra-
vailler avec des équipements élec-
troniques numériques. Son cœur
battait dans sa poitrine comme un
marteau piqueur, mais ses mains
restaient fermes. Ils finirent leur
travail sans délai et s’éloignèrent
en empruntant les ruelles et les
contre-allées. La voiture les atten-
dait au carrefour, comme convenu.
L’adrénaline coulait dans les veines
de Dina, et le goût du succès l’eni-
vrait. Ils étaient entrés dans la
gueule du lion et ils avaient sur-
vécu. Le chauffeur du Mossad qui
les avait attendus leur adressa un
bref sourire et démarra. (...)
L’intervention commença à
22 h 30, après le départ des derniers
travailleurs et des gardiens. Les
guerriers et les agents du Mossad
s’approchèrent discrètement du
bâtiment de toutes les directions.
D’après l’ordre du ramsad [le direc-
teur du Mossad, NDLR], ils dispo-
saient de six heures et vingt-neuf
minutes pour accomplir leur tâche.
Ils devaient avoir quitté les lieux
à 5 heures du matin, soit deux
heures avant l’arrivée des gardiens
et le début des rondes des voitures
de police. (...)
En quelques heures, l’équipe du
Mossad prit des centaines de dos-
siers, renfermant quelque cin-
quante mille pages, ainsi que cent
quatre-vingt-trois CD contenant
cinquante-cinq mille autres fichiers
électroniques. Le matériel, pesant
environ une demi-tonne, fut em-
paqueté et chargé à bord de camions.
Selon divers rapports, les camions
réussirent à franchir la frontière
iranienne avec leur précieux char-
gement puis furent transportés par
bateau en Israël.(...)
Le « grand mensonge » des Ira-
niens fut mis au jour presque aus-
sitôt. Le projet d’armements
nucléaires avait démarré par un
autre projet, baptisé « Amad ». Ce-
lui-ci avait été arrêté en 2003, et les
Iraniens avaient présenté des in-
dices tangibles de ce fait devant les
organisations internationales. Ce
qu’ils avaient omis de préciser était
qu’ils avaient lancé, immédiate-
ment après l’arrêt d’« Amad », un
nouveau projet, appelé « Spand »,
avec les mêmes matériels, les
mêmes personnes et les mêmes ob-
jectifs. L’opération du Mossad à Shu-
rabad apportait la preuve que l’Iran
avait poursuivi son projet nucléaire
au cours des années suivantes §
« L’adrénaline coulait dans
les veines de Dina, et le goût
du succès l’enivrait. »
Le Point 2578 | 6 janvier 2022 | 47
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