Le Point - FRA (2022-01-06)

(EriveltonMoraes) #1
> Beau livre

Pour l’amour


des Camondo


Que voilà un beau livre, prolongement d’un autre beau livre,
ce qui en fait une beauté au carré! Il y a vingt-cinq ans, Pierre
Assouline consacrait, sous le titre Le Dernier des Camondo
(1997), un récit au comte Moïse de Camondo (1860-1935), per-
sonnage aussi admirable que tragique qui serait le dernier à
porter le nom de sa famille, banquiers « levantins » – comme
on disait –, installés en France sous Napoléon III. Un nom
désormais associé à une fabuleuse collection d’art dans la-
quelle ce livre nous plongeait et dont il nous livrait le secret :
l’amour d’un père, la mort d’un fils, Nissim de Camondo,
nom, toujours ce nom, scintillant de romanesque, qui serait
donné au musée qui l’abrite aujourd’hui, à Paris. On suivait le
destin de cette lignée depuis l’Inquisition espagnole, c’était
puissant, bouleversant, mais les lecteurs ne cessaient de faire
part à l’auteur de leur envie de voir, après avoir imaginé. Voir
quoi? Les objets réunis par Nissim et Moïse, mais aussi l’uni-
vers dans lequel ils évoluaient, tout baigné d’une lumière
proustienne. Pierre Assouline a fini par exaucer leur vœu, et
voici donc, vingt-cinq ans après, Le Dernier des Camondo en
édition illustrée, gorgée d’archives parlantes, de lettres et de
photographies émouvantes, de rouleaux de la Torah enlumi-
nés, d’escaliers art déco d’Istanbul vus par Cartier-Bresson,
sans oublier les trésors de cette Atlantide réelle qu’est le mu-
sée Nissim-de-Camondo, écrin plein d’âme, comme ce livre §
CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT


Le Dernier des Camondo, de Pierre Assouline, édition illustrée (Gallimard,
320 p., 32 €).


La grande bouffe


13 à table !, collectif (Pocket, 278 p., 5 €).

Que l’on soit amateur ou pas des plumes qui signent dans
ce livre, on ne peut pas dire qu’elles manquent de cœur.
Tonino Benacquista, Cyril Lignac, Étienne de Montéty,
Françoise Bourdin, Tatiana de Rosnay, Leïla Slimani, Jean-
Paul Dubois, Alexandra Lapierre, François Morel... ils sont
13 en tout à se mettre à table, bénévolement, « sans idéolo-
gie, discours ou baratin » aurait dit Coluche, dans
un recueil de nouvelles inédit (illustré par Riad
Sattouf) et dont l’intégralité des bénéfices est
versée aux Restos du cœur. L’équation est simple :
1 livre acheté (5 euros) = 4 repas distribués. C’est
la 8e édition de l’opération 13 à table! et, depuis
2014, près de 6 millions de repas supplémen-
taires ont été distribués grâce à celle-ci. Au menu
de ces 13 nouvelles : des dîners qui dégoupillent,
du suspense, des retrouvailles inattendues, de l’humour,
des boulimies d’esprit de Noël, des souvenirs de vacances
et de l’absurde. Les sentiments louables à l’origine de cette
opération auraient largement justifié une qualité d’exé-
cution moyenne. Sauf qu’il n’y a, ici, rien à pardonner.
L’ensemble est un régal, un festin! § MARINE DE TILLY

> Essai

Le jeune homme vert


La maison Piasa a récemment
mis aux enchères les lettres de
François Mitterrand à Ma-
rie-Louise Terrasse (la future
Catherine Langeais), son grand
amour d’avant guerre. « Sous
le jeune homme provincial catho-
lique et plutôt traditionaliste per-
çait déjà un personnage sorti tout
droit des Liaisons dangereuses »,
note Éric Roussel dans sa bio-
graphie de l’ancien président.
Cinquante ans plus tard,
Mitterrand est l’idée fixe d’une
étudiante de Limoges montée
à Paris pour faire son droit.
Elle le suit partout, ils vont
devenir amants. « Il m’a réveil-
lée tous les matins pendant huit
ans », raconte Claire (un pseu-
donyme) à Solenn de Royer
(photo), l’une des plus belles
plumes de la presse dans son
livre, Le Dernier Secret. Il l’avait
prévenue : « Es-tu sentimentale?

Il ne faut pas. » En amour, les
contrats ne tiennent pas. Mit-
terrand se partagera entre la
France, ses deux familles, et
Claire, à qui il fait une place
des plus inconfortables. Mal-
gré sa perversité, elle n’a re-
tenu que les moments
lumineux de leur histoire se-
crète. Cette femme d’à côté
apparaît comme un témoin
clé : celle des derniers feux du
pouvoir § SÉBASTIEN LE FOL
Le Dernier Secret, de Solenn de Royer
(Grasset, 416 p., 22,50 €).

Le grand salon du musée Nissim-de-
Camondo, à Paris. Ci-contre, Moïse, jeune.

En^ poche

CULTURE


76 | 6 janvier 2022 | Le Point 2578


RUE DES ARCHIVES/PVDE – DADEROT/MIKIMÉDIA COMMOPNS – JF PAGA
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