ensuite de bichonner le modèle, ajou-
tant un ruban gros grain, des perles, de
la dentelle... La collection Maison Mi-
chel, née en 2006, est chapeautée créa-
tivement par la directrice artistique
Priscilla Royer, qui insuffle à ce savoir-
faire son parti pris contemporain.
Goossens, l’orfèvre
Dès 1950, Robert Goossens transforme
le bronze, le cristal de roche ou encore
les pâtes de verre en bijoux pour Gabrielle
Chanel, avec qui se nouera une profonde
complicité, mais également Cristobal
Balenciaga, Christian Lacroix ou encore
Yves Saint Laurent. Aujourd’hui, dans
l’atelier, les artisans travaillent sur leur
établi à l’aide de marteaux, de brosses,
de frises pour découper, sculpter, souder,
marteler les motifs des bijoux. Fort de
cette liberté créative, son fils Patrick a
aujourd’hui repris le flambeau pour
transformer les métaux non précieux
en parures autour des signes du zo-
diaque, du trèfle à quatre feuilles, du
blé... Des thèmes chers que l’on retrouve
également sur les pièces de décoration,
lustres, miroirs et chandeliers qui ha-
billent aussi bien des boutiques que des
résidences privées.
Lognon, le plisseur
Plat, couché, rond, soleil, Fortuny, ori-
gami, accordéon, Watteau... Ici, chaque
pli porte un nom et correspond à l’un
des quelque 2 700 métiers, comme on
appelle ces moules en carton kraft tex-
turés dont les reliefs permettent de mo-
deler les tissus. L’histoire de cette maison
débute en 1853, lorsque Émilie Lognon,
alors lingère sous Napoléon III, essaie
ses fers sur des étoffes pour créer des mo-
tifs. Le savoir-faire s’est ensuite trans-
mis de plisseur en plisseur, puisqu’il
n’existe pas de formation académique.
Aujourd’hui, les plis se font toujours de
façon artisanale. Un concepteur travaille
d’abord la forme, une étape qui peut
prendre jusqu’à trois mois pour les mo-
tifs les plus sophistiqués ; le plisseur
prend alors le relais, pose son tissu entre
les deux morceaux de carton à l’aide de
poids puis le passe dans une étuve, avant
de le laisser sécher afin que les rainures
s’impriment durablement. Autant
d’étapes qui demandent une minutieuse
et précise gestuelle pour que les plis
restent réguliers et harmonieux §
Lesage, le brodeur
C’est un fonds, le plus grand du genre
au monde, qui fascine les créateurs de
passage au 19M. Quelque 75 000 échan-
tillons de broderies d’art qui datent de
la fondation de la maison par Marie-
Louise Lesage, en 1924, mais également
des archives du brodeur Michonet, ins-
tallé depuis 1858, que cette ancienne as-
sistante de Madeleine Vionnet avait alors
rachetées. On y retrouve toutes les col-
laborations de Lesage avec de grands
couturiers, dont Yves Saint Laurent et
Elsa Schiaparelli, qui avait fait broder
ici ses célèbres thèmes du cirque et des
signes du zodiaque. Menée aujourd’hui
par le directeur artistique Hubert Bar-
rère, la maison travaille toujours avec
les mêmes outils : à la main, avec une ai-
guille ou un crochet de Lunéville. Pour
le reste, les possibilités sont infinies :
pampilles, rubans, perles se brodent
même sur du scoubidou, des coquillages
ou encore des carrés de béton. Tout com-
mence avec un dessin sur calque de
l’équipe, formée majoritairement aux
Beaux-Arts, avant le passage à la piqueuse
puis le transfert des contours du motif
directement sur le tissu à broder. Les
brodeurs s’installent alors sur leur mé-
tier, seuls ou à plusieurs, pour entamer
ce fascinant travail minutieux. La relève
se forme deux étages plus bas, sur les
bancs de l’École Lesage, ouverte en 1992.
Maison Michel, le chapelier
C’est à cette maison fondée en 1936 que
l’on doit la popularisation dans les an-
nées 1970 du canotier, qui a séduit alors
les grandes maisons de luxe. Le secret :
ressusciter la machine Weismann, qui
a permis de réaliser des coutures invi-
sibles sur la paille. C’est toujours la même
machine que l’on entend aujourd’hui
piquer dans les ateliers pour confection-
ner les canotiers, mais aussi la désor-
mais emblématique casquette avec ses
oreilles de chat. Fedora, casquette offi-
cier, capeline ou encore trilby en feutre
de lapin naissent eux sur un bois, cette
forme en tilleul dont il existe ici plus de
3 000 modèles accumulés au fil du temps.
Les chapeliers apprêtent alors la ma-
tière, l’assouplissent avec une cloche à
vapeur puis la positionnent sur le bois,
avant de lui donner manuellement une
forme qui s’imprime grâce au passage
par l’étuve. Les modistes se chargent
Manier les aiguilles avec Lesage, les formes
chez Maison Michel, les frises de Goossens,
ou les moules en carton de Lognon.
Le Point 2578 | 6 janvier 2022 | 85
ELISE TOIDE – SP – ALIX MARNAT (X2)