Poetry of Revolution: Romanticism and National Projects

(Sean Pound) #1
Quand les vierges y vont en rond
S’asseoir, foulant les fleurs jalouses,
Et, devant nous, baissant le front,
Dis-nous le charme de l’enfance,
Ces chérubins qu’un rien offense,
A qui les mères font défense
De braver le soleil d’été.
Sur la lyre, lorsque tu poses
Tes doigts si frêles et si roses,
Chante, bonne muse, trois choses:
--Jeunesse, innocence, beauté!
Prends ton luth pour parler encore
Des pleurs qui fécondent les cœurs;
Les fronts que le douleur décore
Ne gardent pas de plis moqueurs.
Les pleurs, où l’œil sombre se noie,
N’empêchent pas que l’esprit voie;
Ils inspirent mieux que la joie:
--Nul n’est poète sans un pleur.
Tous les grands hommes de génie
One eu cette larme bénie,
Et Musset dit que l’harmonie
Est la fille de la douleur.

VII.

Mais les vieux souvenirs ressemblent à ces îles
Qu’on ne peut aborder sans danger pour ses jours,
Et dont l’aspect, pourtant, semble offrir des asiles
Où l’homme, loin du bruit, se plairait pour toujours.
On s’embarque et, joyeux, on voit s’enfuir la rive;
On s’enivre en pensant à la verte oasis;
On rit, on est content; mais, hélas! on arrive,
Et la joie a fait place aux douloureux soucis.
Pas un ruisseau plaintif pour vous offrir son onde!
Cet ombrage si frais vient des mancenilliers;
Dans la plaine, là-bas, la sueur vous inonde
Et les graviers du sol vous déchirent les pieds!
Tel, dans la grande baie, aux vagues cadencées,
Sur un esquif léger ballotté par les vents,
Je laissais aujourd’hui mes lointaines pensées
Voyager au pays des rêves décevants.
Ne vois-je pas déjà ces beaux lieux où ma lyre
Avait trouvé l’amour qui la faisait vibrer?
Je vais encor chanter mon amoureux délire...
--Éole, ne dis pas à ma nef de sombrer!...

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