Poetry of Revolution: Romanticism and National Projects

(Sean Pound) #1

Faire vibrer son luth sous ton souffle divin!


C’est que pour nous parler dans la langue immortelle,
Pour prendre son essor vers le ciel radieux,
Haïti regardait le cygne ouvrir son aile
Et verser à longs flots ses chants mélodieux!


C’est que la fleur s’ouvrait à l’aube matinale,
Parfumant nos vallons de sa suave odeur;
C’est que, dans un baiser, la muse virginale
Pressait ce jeune cœur sur son sein plein d’ardeur!
C’est que, pour répéter les accents de sa lyre,
L’altière Renommée apprêtait ses cent voix;
C’est qu’enfin tout aimait son magique délire,
Quand, soudain, sur ce front, la mort posa ses doigts!


Coriolan, Milscent, Ignace Nau, Gardères,
O vous dont la patrie a conservé les chants!
Vos âmes ont souri dans les divines sphères,
En voyant cette fleur venir croître en vos champs!


Vos bras se sont ouverts pour reformer la chaîne
Agrandie aujourd’hui par ce nouvel anneau!
Vous avez regardé sur la terre lointaine
S’ouvrir et se fermer ce funèbre tombeau!


A la couronne d’or que la sainte patrie
Réserve pour le front de ses nobles élus,
En voyant se glacer cette tête chérie,
Elle vient d’ajouter une perle de plus.


Et c’est pourquoi mon luth où pleure la pensée,
A la grande élégie où se trouvent vos noms,
Vient apporter aujourd’hui sa complainte brisée
Comme un rayon de plus pour ses chastes rayons.


Oh! la Mort, pour sa faim toujours inassouvie,
Pour ses gouffres muets, béants, jamais comblés,
Choisit le plus beau front et la plus belle vie!
Et, tel un moissonneur, parmi les champs de blés,


Distingue d’un coup d’œil la gerbe la plus belle,
Les épis les plus pleins, les épis sans défauts,
Telle la froide mort, moissonneuse cruelle,
Abat les plus beaux fronts du tranchant de sa faux!

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