Poetry of Revolution: Romanticism and National Projects

(Sean Pound) #1

De vos ponts, l’œil baissé, car j’ai peur, quand je marche,
D’écraser un insecte ou bien quelque humble fleur.
Je butine, en passant, ou le rire ou le pleur,
--Car la vie, ici-bas, a toujours ces deux choses,
Et l’on trouve des pleurs même au cœur de vos roses, --
Et de ce que je vois je compose mon miel.
Quand mon front s’assombrit, je le relève au ciel,
Il redevient serein. On me jette une pierre,
Quelquefois, en disant: « C’est le vieux fou, c’est Pierre! »
Mais une voix réplique: « Allons! je le défends!
« Ne lui fais pas de mal! il aime les enfants!
John reprit: -- « L’an passé, la récolte fut bonne;
Je chargeai trois bateaux, mais grands, Dieu me par-
[donne,
Rien qu’avec mes cafés; mes bois se sont vendus
Cher; -- dix mille francs pour un seul me sont dus:
--Acajou moucheté, mais une bille énorme! –
New York s’en est ému. Mon commettant m’informe
Que neuf cent mille francs, en mon nom sont placés;
Que j’en peux rester là, si je les trouve assez.
Il plaisante! jamais l’argent ne rassasie.
--Qu’en dis-tu? »
(Monsieur John, --j’en ai l’âme saisie
De bonheur, -- me faisait cette insigne faveur
De me tutoyer!...)


Moi, toujours sombre et rêveur,
Je lui dis: « L’an passé fut pour moi date amère,
Je perdis mes enfants et j’enterrai leur mère:
Une bien sainte femme et deux anges du ciel!
Les enfants, cher monsieur, c’est là l’essentiel.
Ils étaient beaux, les miens! L’un de huit ans, la fille
De dix printemps. C’était là toute ma famille.
Maintenant, je m’en vais, sans joie et sans souci,
Jusqu’à ce que là-haut la mort m’appelle aussi.
Les temps sont durs, mais je puis faire, avec ma tâche
Double et triple, -- au travail je n’ai pas le cœur lâche, --
Assez de pain pour vivre un peu; -- je suis gardien
De l’hôpital; j’écris – pas trop mal, pas trop bien, --
Des lettres pour ceux-là qui n’ont pas eu de classes;
J’ai mes courses; enfin, quand mes jambes sont lasses,
Je garde la maison; je rimaille; j’ai fait
Des vers sur vos grands bois: -- mon cœur est satisfait! »


Monsieur John écouta, patiemment, sans doute,
Puis me dit de son ton protecteur:

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