Poetry of Revolution: Romanticism and National Projects

(Sean Pound) #1

Mais je ne sais d’où vient une sombre pensée
Qui rétrécit le cercle où je tente mes pas.
Oui, mon cœur veut chanter, mais il ne l’ose pas.
C’est qu’en ce monde, ô muse! Ô toi-même qu’on nie,
Contre soi le poète arme tant d’ironie ;
On l’abreuve de fiel, d’outrage, si souvent :
C’est qui n’est rien pour lui qui ne soit décevant :
Il demande l’amour on lui verse la haine :
Voyant le sentier rude et la borne lointaine,
Il regarde une étoile et voit l’astre qui fuit ;
Invoque l’Espérance, et sent qui le poursuit,
L’Envie insatiable, et pourtant féconde...


La Muse

Et qu’importe? chantons. Quand de sa bave immonde
La vipère rampante aura sevré les fleurs ;
Lorsque du frêle agneau les bêlements, les pleurs,
Sauront fléchir le tigre en quête de sa proie ;
Et lorsqu’ouvrant son aile et sa serre qui broie,
Ouvrant son bec crochu, l’on verra le vautour
Fuir devant la colombe, à peine éclose au jour,
Contre la Foi, l’Amour, la Vertu, le Génie,
En vain se dressa l’ignoble Calomnie !...


Oui, poète, chantons. Vois déjà le printemps
Nous sourit. Que c’est doux, lorsque l’on a vingt ans,
D’épanouis son être aux charmes de la vie,
De faire aller son âme où l’amour la convie,


Et de comprendre aussi, dans cet essor divin
Tenté vers l’idéal, que ce n’est pas en vain
Qu’en dépit du malheur le rivant a ses transes,
L’homme garde en son cœur toutes les espérances!


C’est l’heure de chanter ; prends ta lyre ; ta voix
Doit consoler souvent, peut guérir quelquefois ;
Car le poète est saint : la nature en son âme
Versa tout ce qu’elle a de parfum et de flamme,
Ce que tous ses soleils, ses ondes et ses fleurs
Ont de chants, de clarté et d’exquises senteurs.


Chante les bois, chante les fleurs ;
Chante la nature sereine,
Avec ses rires et ses pleurs,
Dans sa majesté souveraine ;

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