Poetry of Revolution: Romanticism and National Projects

(Sean Pound) #1

Adieu! garde pourtant ton amour et ta foi.


EXULTATION


Orgueil sacré! –doux rêve! – ineffable hantise!
Flamme vivante au cœur que le malheur attise!
--Culte mystérieux! – divine obsession !...


Fonder un peuple noir ; faire une nation ;
Entre les races sœurs établir l’harmonie!
Sauver la noire, enfin, de sa lente agonie!


Oh! n’est-il pas bien vrai que ce rêve était beau?
N’est-ce pas qu’il fallait qu’un rayon vint d’en haut,
Qu’inondant tout, de sa clarté mystérieuse,
Une étincelle d’or s’échappât radieuse
Et fécondât en eux des semences de foi,
Pour qu’en dépit de tout ils eussent d’autre loi,
Que de tendre à ce but l’effort de leur génie?
N’est-ce pas qu’il fallait cette force infinie
De ceux qui, face à face, osent parler à Dieu?
Sentir, comme l’éclair ou la langue de feu.
Un souffle de l’Esprit descendre dans leurs âmes,
Pour conserver, malgré ces tortures infâmes,
Malgré ces arts maudits, ces ressorts ténébreux,
Que le colon forgeait, imaginait contre eux ;
Pour conserver, malgré cette latente angoisse,
Malgré tout ce qu’en soi le cœur sent qui le froisse
Quand le silence est long, quand l’espoir semble vain ;
Pour conserver, malgré le désespoir enfin,
Ce rêve de géant dans leurs âmes esclaves?
Aussi, lorsque, pareils à des torrents de laves
S’élançant d’un cratère immense vers les cieux,
Jaillissaient de leurs cœurs ces cris audacieux
Qui frappaient de stupeur le clan hideux des maîtres :
« Mort à nos oppresseurs! Liberté! Sus aux traîtres! »
Lorsqu’on les vit ainsi rompre avec le mépris,
S’ils tremblaient, ce n’est pas que la peur les eût pris
Et leur eut fait sentir son étreinte tenace ;
Ce n’est pas que, frappés de leur sublime audace,
Effrayés des pensers soulevés à leur voix,
Scrutant l’horizon vaste assombri quelquefois,
Ils fussent dans cette ombre ou le doute s’accule ;

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