Poetry of Revolution: Romanticism and National Projects

(Sean Pound) #1

Le bilan de leurs droits se chiffrant a zéro,
Ils ne voulaient plus voir l’un courbé l’autre libre :
Le noir toujours martyr, le blanc toujours bourreau!


Or, il fallait broyer ces viles créatures
Qui réclamaient des droits pour prix de leurs devoirs
Et qui, malgré la mort, en dépit des tortures
Gardaient pieusement tant de nobles espoirs.


Or, à coups de massue, il importait d’abattre
L’hydre qui renaissait sur sa base d’airain ;
Il fallait étouffer dans l’œuf Dix-huit cent quatre
Que couvait ardemment le génie africain!


« A la verge, à la flamme, aux fers, aux fusillades,
Aux limiers de Cuba, --s’écriraient les colons, »
« Joignons les pendaisons, ajoutons les noyades : »
« Et nous les vaincrons tous, jusqu’au dernier! Allons! »


Et de nombreux gibets se dressaient sur les places!
Et puis on les pendait, ces nègres obstinés!
Et puis, pour extirper tous les germes vivaces,
Sans raison, sans prétexte, ils étaient condamnés!


Quand d’un lâche soupçon, d’un caprice quelconque,
Un seul osait, un jour, se prétendre innocent,
Comme de vieux rameaux d’un vieil arbre qu’on tronque.
Pour ce seul criminel on en détruisait cent!


Et tel qu’on sait mourir, lorsqu’on pense, en son âme,
Que sa mort doit sauver, racheter l’avenir :
Ils tombaient sous le fouet, périssaient dans sa flamme,
Assez forts pour se taire, assez grands pour bénir.


Parfois, après avoir longtemps courbé l’échine
Pour faire, au gré du maître un labeur sans pareil
On leur cinglait le corps de longs coups de rouchine
Et les laissait gésir regardant le soleil!


Parfois on les voyait mener, tête baissée,
N’importe, ou, nuit et jour, et n’importe comment
La plupart étalant, non, encore effacée,
L’empreinte, vive encore d’un récent châtiment.


Car un jour qu’il souffrait, un jour qu’il eut, peut-être,
La force de pousser un cri lugubre, amer,

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