Poetry of Revolution: Romanticism and National Projects

(Sean Pound) #1

Ce noir fut accuse d’en vouloir un son maître :
Pour punir sa révolte on le frappa d’un R!


Cet enfant, pour avoir glissé sa main timide,
Un jour que vainement sa force avait bravé
La faim qui l’agitait, qui le poussait, avide
N’était plus qu’un voleur : on le frappa d’un V.


Et cet autre, un vieillard, une femme qu’on fauche,
Pour avoir fui le fouet, dont elle a trop souffert,
N’est plus qu’une marronne : et son épaule gauche
Etalait au soleil l’M qu’avait mis le fer!


Ainsi marqués, pareils à des bêtes de somme, --
Ces noirs étaient livres par le maître-colon,
Et le colon-bourreau, vieux monstre las d’être homme,
Remplissait son office aussi cruel que long.






Un jour on en noyait proche d’une centaine.
Ceux-ci la corde au bras, ceux-la la chaîne aux pieds :
Enfants, femmes, vieillards, qu’en sa rage hautaine
Le maître, plus ou moins, avait estropies.


Ayant déjà connu jusqu’au dernier martyre,
Ayant toujours souffert ce qu’ils souffraient encore
Dans la cale profond et sombre du navire
Entasse pêle-mêle ils espéraient la mort.


Ils étaient là : les uns, cœurs où grondaient des laves
De haine, conservant leur calme solennel :
Les autres fredonnant leurs complaintes d’esclaves,
Faisant dans leurs soupirs monter leurs vœux au ciel.


Jadis, tant que le fouet torturait leurs entrailles,
Du cœur brisé d’angoisse un cri pouvait jaillir ;
Pressentant maintenant l’heure des représailles,
Toute leur foi rayonne à l’heure de mourir.


Or, entre eux, se trouvait une négresse austère,
Ses filles, son mari, -- doux vieillard, gais enfants, --
Tout ce qui lui restait de bonheur sur la terre,
Comme elle allait périr sous les flots étouffants.


Lorsque, pour le lancer dans la mer vaste et sombre,

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