EUROPE
Corbyn a été battu, et les conser-
vateurs ont obtenu leur plus forte
majorité depuis trente ans. Lors
de cette élection, Boris Johnson a
promis deux choses importantes
et les a accomplies, l’une et l’autre.
Le NHS, le système de santé public,
devait être arrosé de cash, il l’a été.
Et le Premier ministre passerait
un accord avec l’UE, ce qu’il a fait.
Ce n’était pas un bon accord,
mais il avait le mérite d’être clair
et rapide. Il survenait après une
négociation avec l’UE qui s’était
caractérisée par sa lenteur et sa
complexité. Aussi n’est-il guère
étonnant que les électeurs y aient
adhéré avec enthou-
siasme. Theresa May,
le prédécesseur de
Johnson, s’était livrée
à des contorsions juri-
diques pour éviter les
simplicités brutales
du Brexit. L’accord de
Johnson entrave les entreprises
britanniques en ne leur off rant
presque aucun avantage, au-delà
d’une question de principe. Mais
c’est ni plus ni moins ce qu’il avait
promis de faire.
En politique, l’intégrité est suivie
presque inévitablement par l’hypo-
crisie. Les responsables politiques
d’une grande rectitude morale
peuvent craquer. Gordon Brown,
fi ls de pasteur presbytérien, était
salué pour sa moralité, alors qu’il
était capable de jeter des combinés
téléphoniques à la tête des gens.
L’ex-Premier ministre Tony Blair
est à la tête de son institut consacré
à la transparence, tout en accep-
tant de l’argent de despotes. Sir
ROYAUME-UNI
Et si Boris Johnson était
l’homme politique
le plus honnête?
Malgré ses innombrables mensonges, le Premier
ministre fait preuve de transparence sur sa
personnalité, estime l’hebdomadaire londonien et a
mis en œuvre le programme pour lequel il a été élu.
Keir Stamer a été candidat au poste
de chef du Parti travailliste en se
présentant comme un Corbyn
en costume, puis une fois vain-
queur a jeté aux orties ses propo-
sitions les plus à gauche. Johnson,
en revanche, ne fait même pas
semblant d’être un bon père de
famille, alors qu’il a des enfants.
Il n’a jamais prétendu être autre
chose qu’un cynique assoiff é de
pouvoir. Le manque d’intégrité
fi nit par être une forme d’intégrité.
Un gestionnaire compétent
n’a jamais été tapi derrière cette
tignasse blonde. Des journa-
listes ont prétendu le contraire
dans quelques portraits fi évreux ;
Johnson ne l’a jamais fait, lui. Ceux
qui collaborent étroitement avec
lui ne peuvent pas dire qu’il ait
essayé de se faire passer pour
un patron loyal. Son mandat de
Premier ministre a été marqué
par la défenestration de colla-
borateurs. Quand Johnson est
en diffi culté, les têtes tombent
autour de lui.
Personne ne peut dire qu’il
n’était pas prévenu à propos de
Johnson. Il n’est en rien un mys-
tère. Il a fait l’objet de plusieurs
biographies et, depuis trente
ans, il donne son point de vue
sur le monde dans la presse. Si
son devoir de réserve en tant
que Premier ministre l’oblige à
taire certaines choses, un parent
en vue peut combler le vide par
de nouvelles anecdotes crous-
tillantes sur Johnson. Tout au
long de sa carrière,
il a laissé derrière
lui une cohorte de
journalistes pliés
de rire, ayant une
histoire sur Johnson
à raconter aux
grandes occasions, si longue ou
ennuyeuse soit-elle. Sa person-
nalité était connue, et pourtant
les Britanniques ont jugé bon de
le porter au pouvoir.
Si les électeurs sont déçus par
Johnson, ils n’ont à s’en prendre
qu’à eux-mêmes. Le Premier
ministre n’est pas un monarque.
En 2019, il a remporté 43,6 % des
voix, le meilleur score depuis
Thatcher. Si Johnson occupe le
10, Downing Street, c’est parce
qu’un peu moins d’un électeur
sur deux a choisi un conservateur
dans sa circonscription. Les élec-
teurs sont des adultes. Ils savaient
pour qui ils votaient, et ils en ont
eu pour leur bulletin de vote.
Johnson n’est pas un abcès qu’il
va falloir crever pour que le corps
politique britannique aille mieux.
La vie politique britannique, ses
institutions et sa culture se sont
à tel point détériorées qu’un hon-
nête menteur s’est révélé attrayant.
Johnson a bénéfi cié du chaos créé
par d’autres.
Les députés qui ont contribué à
porter Johnson au pouvoir doivent
maintenant décider s’ils doivent
le limoger pour des péchés dont il
ne s’est jamais caché. Leur choix
devra se faire en évaluant si les
électeurs veulent toujours de lui.
Il n’avait promis qu’une chose :
la popularité, et il a tenu parole
jusqu’à présent. Si son ascen-
sion est déprimante, sa chute
potentielle off re une lueur d’es-
poir. Les électeurs britanniques
ont enfi n commencé à se lasser
des honnêtes mensonges inces-
sants de Johnson. À l’avenir, la
vie politique pourrait être moins
cynique et le populisme deve-
nir impopulaire. Mais gardons-
nous d’être trop optimistes. Les
députés n’hésiteront pas à garder
Johnson s’il les aide à conserver
leurs sièges. Si ceux qui ont mis
le Premier ministre au pouvoir
le lâchent, ils le feront pour s’ab-
soudre eux-mêmes.—
Publié le 15 janvier
OPINION
La vie politique
britannique est
si détériorée qu’un
honnête menteur
s’est révélé attrayant.
Il s’est toujours affi ché
en cynique avide
de pouvoir. Le manque
d’intégrité devient
une forme d’intégrité.
↓ “Et alors ?”
Dessin de Horsch paru dans
Handelsblatt, Düsseldorf.
La porte n’est
jamais sûre
●●● Boris Johnson
peut-il survivre à tous les
scandales dans lesquels
il est impliqué? Ce n’est
pas impossible, selon
Fraser Nelson, chroniqueur
du quotidien conservateur
The Daily Telegraph.
“On commence à voir
comment il peut s’en
sortir”, écrit-il. Face aux
rebelles de l’aile droite
deson parti, Johnson
aurait gagné en humilité:
“Autrefois il gouvernait
par diktats, désormais
il demande humblement
aux députés ce qu’il doit
faire, puis il le fait.
Cela améliore fortement la
qualité du gouvernement.
Il s’est aff ranchi
des scientifi ques (dont
les conseils sur Omicron
se sont révélés être
des bêtises) et n’a pas
demandé leur avis avant
de décider d’abolir toutes
les restrictions Covid
restantes.” Une attitude
qui pourrait lui donner
un sursis de quelques
mois, avant les élections
locales de mai, estime
le chroniqueur.
- Courrier international — n 1633 du 17 au 23 février 2022
—The Economist Londres
B
oris Johnson ment sou-
vent, et facilement. Toute
sa carrière est émaillée de
mensonges. Il a été renvoyé de
son premier emploi, au quotidien
The Times, pour avoir inventé une
citation. Il est devenu rédacteur
au Spectator à la condition de ne
pas se présenter comme député, ce
qu’il est ensuite empressé de faire.
Tandis qu’il était maire de Londres,
il a déclaré à maintes reprises qu’il
ne se présenterait pas à l’élection
de 2015, pour fi nalement devenir
candidat dans la circonscription
d’Uxbridge, dans l’ouest
de Londres.
Qu’il ait nié avoir par-
ticipé à la garden-party
de mai 2020 dans sa rési-
dence de Downing Street
en plein confinement
n’est donc que le der-
nier d’une longue série de men-
songes. Quand la grogne populaire
est montée, des députés ont pro-
testé avec toute la sincérité du
capitaine Renault découvrant un
tripot dans le fi lm Casablanca.
Douglas Ross, un député écos-
sais qui avait voté pour l’actuel
Premier ministre lors de l’élec-
tion pour le poste de chef de fi le
du parti, a qualifi é d’“intenable”
la position de Boris Johnson et a
exigé sa démission. Pourquoi de
tels défenseurs de la vérité ont-
ils soutenu autrefois un homme
dont ils savaient pertinemment
qu’il était un fi eff é menteur? Eh
bien parce que, à sa manière, Boris
Johnson est un homme de parole.
Lorsqu’il cherchait à rallier des
soutiens pour conquérir le poste
de chef du parti, son argumen-
taire était simple : soutenez-moi,
conservez votre siège, battons
Jeremy Corbyn et faisons le
Brexit. Or tout s’est réalisé. Jeremy