- Courrier international — n 1633 du 17 au 23 février 2022
D
ans son titre, la Süddeutsche
Zeitung explique qu’elle reste
“la femme à abattre pour Macron”.
Mais dans le corps de son article, le quo-
tidien allemand écrit que Valérie Pécresse
a essuyé un terrible
revers lors de son mee-
ting du 13 février. Ce qui
incite la Frankfurter
Allgemeine Zeitung à se demander en
écho aux doutes qui se font jour : “Valérie
Pécresse peut-elle devenir présidente ?”
Au micro du Zénith, la candidate des
Républicains à la présidentielle “a démon-
tré qu’elle n’avait rien à envier, en matière de
décibels, à Zemmour et ses meetings pleins à
craquer”, observe El Periódico.“Elle a aussi
voulu apparaître comme une femme proche
des classes populaires, dans le pur style Le
Pen. Et comme une femme d’État loin des
extrêmes, comme Macron.” Là réside le pro-
blème. Pour le quotidien catalan, Valérie
Pécresse “refl était aussi
le manque d’originalité
idéologique d’une droite
républicaine en pleine
décadence, dont l’espace est cannibalisé par
Macron au centre droit, et par Le Pen et
Zemmour” sur sa frange extrême.
L’écart était trop grand, estiment bon
nombre de titres de la presse internationale.
“Pécresse n’a pas réussi à dominer le débat poli-
tique avec ses idées”, parce qu’elle “essaie de
couvrir tous les courants idéologiques d’un parti
divi sé”, renchérit The Guardian. Résultat :
“Son message aux électeurs n’est pas toujours
très clair.” Ainsi, résume pour sa part La
Libre Belgique, pendant une heure quinze,
seule en scène devant quelque 7 500 mili-
tants, “Valérie Pécresse a prononcé un dis-
cours d’abord très emprunté, les mains posées
à plat sur le pupitre puis ouvertes vers la foule,
sur sa vision de la ‘nouvelle France’. Puis
elle a déroulé l’intégralité, ou presque, de ses
mesures, abordant tous les thèmes de sa cam-
pagne, de l’agriculture au burkini, en passant
par le renforcement des mathématiques à l’école
et l’assimilation des immigrés.”
Pour Associated Press, c’était un dis-
cours “souvent dur”, défendant “une position
ferme sur l’immigration, cherchant apparem-
ment à séduire les conservateurs et l’extrême
droite”. L’agence de presse américaine note
que la candidate est même allée “plus loin
dans cette rhétorique” en défendant l’idée
de construire des “murs” aux frontières
de l’Union européenne. “S’il faut bâtir des
murs comme le font certains États, je les sou-
tiendrai, a lancé la candidate. Je veux qu’en-
semble nous luttions contre l’immigration, qui
débouche sur des zones de non-France. Si un
pays refuse de reprendre ses clandestins, ce
sera, avec moi, zéro visa.”
Point d’orgue de sa rhétorique censée
charmer l’extrême droite mais présentée
de manière “extrêmement rigide et inau-
the nt ique”, explique Politico : le recours
à la notion du grand remplacement. Si
la candidate a atténué son propos le len-
demain, “les justifi cations n’ont pas suffi à
apaiser la tempête politique qui continue de
faire rage”, estime le site.
Quelle suite imaginer après cette étape
de campagne diffi cile de la candidate des
Républicains? “Ceux qui espéraient repartir
de ce premier meeting de campagne convain-
cus que Valérie Pécresse incarne solidement la
droite française devront attendre. Pour l’heure,
la candidate de 54 ans a plutôt contourné les
obstacles”, estime Le Temps. “La candidate
des Républicains refuse le marathon prési-
dentiel, analyse le quotidien suisse. Elle
lui préfère le sprint, une fois qu’Emmanuel
Macron sera entré en lice.”
Pour la Süddeutsche Zeitung, le plus grand
obstacle qui se dresse devant elle est “pré-
cisément de déterminer quel espace il reste à
une conservatrice comme Pécresse, prise entre
Emmanuel Macron et les deux candidats d’ex-
trême droite Marine Le Pen et Éric Zemmour.
Dans les mauvais jours, il semble que cet
espace ait été réduit à néant.”
—Courrier international
Le dessinateur néerlandais, régulièrement publié dans l’hebdomadaire,
croque l’actualité française pour Courrier international jusqu’au second tour
de l’élection présidentielle.
↑ Convoi à l’approche. Dessin de Joep Bertrams, Pays-Bas, pour Courrier
international.
L’ŒIL
DE BERTRAMS
Revue
de presse
COMMENT ÇA VA
LES FRANÇAIS?
PR
ÉS
ID
EN
TI
EL
LE
20
22
LUISA CORRADINI, correspondante
en France du quotidien argentin
La Nación.
“Les Français
oublient
ce qu’est
la politique”
Quelles sont les phrases ou expressions
représentatives de l’état d’esprit
des Français qui vous ont marquée
récemment?
À chaque fois que l’on pose une question
à un électeur potentiel au sujet d’une
personnalité politique, on vous répond :
“Je le déteste”, “Je l’adore”, ou “Je ne suis
pas concerné”. Dans la patrie
de Descartes, le fait que tant de gens
aient emprunté ce schéma populiste,
celui de dire “Je vote avec mes tripes, mais
pas avec ma tête”, c’est assez dangereux.
Les Français sont donc si désabusés?
Je ne pense pas qu’ils soient désabusés,
je pense qu’ils sont en train d’oublier
petit à petit ce que c’est que la politique.
Les gens ne se rendent pas compte qu’ils
font de la politique. Même en s’abstenant
de voter, les Français participent.
Ils font des manifestations, des appels
sur les réseaux sociaux. Quand les gens
disent “Ça ne me concerne pas”, c’est de
la politique. Le problème, c’est que c’est
de la politique désordonnée, déconnectée
de la réalité et, encore une fois, très
dangereuse. On [a vu] ces jours-ci cette
intention d’organiser des manifestations
pour bloquer Paris, par exemple. Mais
qu’est-ce que ça veut dire ? On ne peut
pas manifester pour tout.
Pensez-vous qu’il y ait aussi tout de
même une responsabilité de la classe
politique?
La France est le pays du monde qui
a le mieux répondu à la crise du Covid-19,
donc on ne peut pas mettre cette
tendance populiste sur le dos des
hommes politiques ou des partis. C’est
vrai qu’ils sont parfois très déconnectés
de la réalité, mais il y a un problème
beaucoup plus profond. Je crois qu’en
France, on est un peu devenus
des enfants gâtés de la démocratie.
—Propos recueillis
par Courrier international
Retrouvez l’intégralité de cet entretien
en vidéo sur notre site Internet.
Les Républicains.
Lendemains de meeting
d i ffi c i l e s
À la traîne dans les sondages, Valérie Pécresse misait
beaucoup sur son premier meeting de campagne, le 13 février,
pour se relancer. Mais elle n’a guère convaincu.
Valérie Pécresse “refl était
le manque d’originalité
idéologique d’une droite
républicaine en pleine
décadence”.
El Periódico