Méditerranée Mer Vivante 20e édition

(jfmeinesz) #1

Espèces envahissantes 151


Limitons les espèces envahissantes


Invasions d’espèces exotiques
L’étang de Thau : un jardin japonais à notre portée
Marc Verlaque, Chargé de Recherche CNRS, et Sandrine Ruitton, maître de
conférences à CNRS - MIO - Institut Méditerranéen d’Océanographie, Aix-
Marseille Université
[email protected] [email protected]
Dans les années 1960, une maladie
virale, introduite par l’importation
clandestine d’huîtres du Japon, a décimé la totalité
du cheptel d’huîtres creuses d’Europe (l’huître
portugaise Crassostrea angulata). Pour sauver
l’ostréiculture, il a été décidé de remplacer les
huîtres sensibles au virus par une espèce résistante
présentant un taux de croissance élevé. C’est ainsi
que des importations massives d’huîtres du Japon
(l’huître japonaise Crassostrea gigas) ont été
effectuées, de 1970 à 1976, dans l’Atlantique nord-est
comme en Méditerranée (c’est l’opération « RESUR »
comme « résurrection »).
L’étang de Thau, situé dans le Languedoc, est
le plus important site d’élevage de coquillages
(huîtres et moules) de Méditerranée. Dans ce
bassin conchylicole, les importations de très jeunes

huîtres en provenance du Japon ont
été importantes durant l’opération
RESUR. Les eaux tempérées et saumâtres (dessalées)
de la mer intérieure du Japon d’où viennent les
huîtres (la mer de Seto qui s’étend d’Osaka à
Hiroshima) ont des caractéristiques similaires à
celles du bassin de Thau (Languedoc).
Or de nombreuses espèces marines japonaises, tant
végétales qu’animales, vivaient fixées sur les coquilles
ou sur les emballages. Elles ont voyagé comme
leur support : rapidement et dans des conditions
très agréables (température fraîche et humidité).
Comme les huîtres, elles sont arrivées dans de
bonnes conditions dans leur nouveau milieu.
Il n’est ainsi pas étonnant de constater maintenant
que l’étang de Thau est devenu le plus important
site connu d’introduction (involontaire) d’algues
exotiques. Presque la moitié des algues introduites
en Méditerranée, l’a été dans cet étang (59 espèces
introduites sur un total de 126 pour toute la
Méditerranée).
De nouvelles algues introduites arrivent encore de
nos jours, car les huîtres « voyagent » et s’échangent
entre les ostréiculteurs de l’Atlantique et de la
Méditerranée.
La flore mais aussi la faune du bassin de Thau ont été
profondément transformées : on y trouve beaucoup
plus d’algues communes du Pacifique Nord que
d’algues de Méditerranée. Un vrai jardin sous-marin
japonais.
Parmi ces touristes naturalisés, on trouve la Sargasse
Japonaise (Sargassum muticum) qui étend ses
© Sandrine RUIT frondaisons sur plusieurs mètres et alourdit les


TON


L’algue rouge japonaise Grateloupia lanceolata
dans le bassin de Thau
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