Méditerranée Mer Vivante 20e édition

(jfmeinesz) #1

160 Méditerranée - Mer vivante


Gardons la mer vivante


Les poissons introduits en Méditerranée


Patrice Francour et Paolo Guidetti, professeurs, Université Côte d’Azur (CNRS UMR 7035 « ECOSEAS »)
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La faune et la flore méditerranéennes sont en
train de changer (voir les pages précédentes).
Le réchauffement des eaux explique des
modifications de répartition au sein même de la
Méditerranée avec des espèces à affinité d’eaux
chaudes plus abondantes sur les rives nord
( p. 166). Mais des espèces réellement nouvelles
pour la Méditerranée peuvent aussi faire leur
apparition. La Méditerranée communique avec
l’Atlantique par le détroit de Gibraltar et avec la Mer
Rouge par le Canal de Suez. Le réchauffement des
eaux de Méditerranée atténue progressivement
les différences avec la Mer Rouge. Ce même
réchauffement concerne également l’Atlantique.
De plus en plus d’espèces de l’Atlantique tropical
migrent vers le nord ; certaines finissent par passer
Gibraltar et rentrent alors en Méditerranée. Enfin,
un certain nombre d’espèces nouvelles utilisées
par les aquariophiles ont été observées en
Méditerranée au cours des dernières années : leur
présence est directement liée à leur libération,
volontaire ou accidentelle en mer.


Les espèces nouvelles provenant de la Mer
Rouge
On dénombre actuellement au moins une centaine
d’espèces de poissons originaires de l’Indo-
Pacifique en Méditerranée orientale. Beaucoup
restent confinées aux côtes de Turquie, du
Liban, d’Israël ou d’égypte où elles trouvent des
conditions, de température en particulier, voisines
de celles de leur mer d’origine.
Plusieurs espèces, comme les poissons lapins
(Siganus), sont devenues dominantes en Turquie,
au Liban et dans certaines localités côtières de la
Grèce et de la Sicile (Italie).
Très récemment, certaines sont passées en


Méditerranée occidentale comme le poisson lapin
(Siganus luridus) et le poisson flûte (Fistularia
commersonii).
Progressivement, sous l’influence de ces espèces,
les milieux naturels ont évolué en Méditerranée
orientale et les hommes s’adaptent : les pêcheurs
professionnels exploitent de nouveaux stocks
et les clubs de plongée vantent les beautés des
poissons de Mer Rouge naturalisés. Qu’en sera-t-il
en Méditerranée occidentale? Si le réchauffement
devait se poursuivre, rien n’empêchera ces
espèces d’arriver en nombre. Certaines pourront
avoir un impact neutre ou faible. Par contre
d’autres comme le poisson lapin, un herbivore
strict, risquent de modifier et de perturber assez
profondément les équilibres écologiques actuels
en Méditerranée occidentale.
Enfin, une des grandes différences entre les faunes
tropicales et la faune méditerranéenne est la
présence d’espèces vénéneuses et venimeuses.
Presque totalement absentes de Méditerranée
avant l’arrivée progressive d’espèces d’origine
tropicale, ces espèces représentent un nouveau
danger. Ce ne sont plus seulement les équilibres
écologiques qui peuvent être menacés, mais
directement l’homme à travers la consommation
( pêche) ou des activités subaquatiques.

Le poisson-flûte à points bleus Fistularia
commersonii
Arrivé tardivement en 2000 en Méditerranée, il lui
aura fallu moins de 10 ans pour se répartir devant
l’ensemble du littoral avec des observations datant
de 2007 (Sardaigne, Espagne et France) et 2008
(Algérie). Ses bonnes performances à la nage et
son comportement de prédateur ont certainement
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