La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

et les idiots, ainsi est faite l’humanité. L’idée du proverbe se résume donc (une fois encore) dans la
nécessité de connaître ses propres limites.
Pour mieux saisir cette maxime, il faut remonter à la société précoloniale beti, pour savoir que les
marmites utilisées étaient à base d’argile ou de terre cuite. En dépit de la grande expertise de ceux qui
les fabriquaient, leur résistance avait bien des limites : les gourdins, taillés dans des essences très dures
et résistantes. Le proverbe enseigne donc qu’il faut éviter les affrontements avec les puissants car comme
dit une autre sagesse :


Proverbe : Quand les éléphants luttent, ce sont les arbustes à côté qui en pâtissent.
Equivalent :
Proverbe : Un homme sage ne se préoccupe pas de ce qu’il ne peut posséder.


Thématique Relative aux Personnages Epiques


Les personnages épiques regroupent l’ensemble des figures que l’on retrouve, soit dans les contes et les
épopées, soit qui marquent le passé glorieux du peuple Ekang/Ekañ, peuple des immortels dont
l’héroïsme est vanté dans le Mvet.


Proverbe : Quand le caméléon meurt, le margouillat hérite de son sac de kolas.
Dans la tradition pahouine, le caméléon est symbole de noblesse ; tandis que le margouillat est symbole
d’oisiveté. Le proverbe traite ici de la succession, notamment celle d’un grand homme ; pour dire que
l’on n’est pas toujours sûr de la valeur de son héritier. Car autant le caméléon a travaillé dur pour récolter
son sac de kolas, autant il est possible que son héritier, le margouillat, dont on n’est pas confiant des
capacités peut le dilapider. Le proverbe nous éclaire sur la délicatesse du problème de partage d’héritage
chez les Beti.


Proverbe : Que ne peut-on ramasser les paroles qui ont franchi le seuil de nos lèvres.
Il a comme équivalent :
Proverbe : Le lézard avait dit qu’un mot entré par le trou de l’oreille ne peut plus ressortir.
A l’instar de Kulu/Kuu la tortue, le lézard est un personnage intelligent dans les épopées beti. C’est un
observateur averti de la société humaine. C’est pourquoi il est souvent considéré comme un géniteur de
sagesse. Ce proverbe traite donc de la philosophie du silence, du discernement dans la prise de parole ;
un homme sage doit savoir mesurer son propos. Car on ne peut retirer des paroles chez les Beti ; ce qui
est dit est dit ; et celui qui a entendu ne peut plus boucher les oreilles. La sentence du « sage » lézard est
donc sans recours et prend à contre-pied le concept du « retrait de paroles » en vogue chez les
occidentaux.
Ces proverbes que nous avons essayé d’expliquer pour faciliter la compréhension par un plus grand
nombre ne constituent qu’une partie très infime de toute la sagesse du peuple des « nobles » ; « seigneurs
de la forêt ». Ceux-ci ont élaboré ces enseignements à partir d’éléments de leur environnement immédiat
: forêt, faune, hommes, objets utilisés au quotidien. Le Beti nous apparaît encore dominant et maîtrisant
son univers ; ce qui pourrait expliquer sa survie dans l’immense forêt équatoriale dont l’hostilité s’est
avérée.


En fait cette maîtrise de l’environnement a entraîné l’élaboration des sagesses dont le jeune Beti
aujourd’hui, et même les jeunes d’autres groupes sociaux devraient s’imprégner pour l’élaboration d’une
société humaine nouvelle, défaite de l’escroquerie, de l’abus de confiance, de l’oisiveté, de corruption
et de tous les maux qui asservissent l’être humain aujourd’hui en général, le Beti en particulier.

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