La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

En réalité, le mariage implique l’appropriation d’une femme par l’homme qui en dispose comme d’un
bien-meuble qu’il peut prêter, louer, céder, donner... Ainsi si un homme éprouvait une vive amitié
envers un autre, il pouvait lui prêter sa femme, ou l’échanger contre la femme de ce dernier. Les enfants
restaient néanmoins la propriété du père qui a versé la dot. La même attitude consistait à affecter une
femme pour l’accueil et l’entretien d’un visiteur qui passait nuit chez soi. D’un autre côté, un polygame
ou un vieillard pouvait donner sa femme à un jeune homme pauvre qui ne pouvait payer la dot d’une
femme. Celui-ci devenait un ntobo (client) qui travaillait pour le maître. Les enfants qui pouvaient naître
étaient pour le mari qui a versé la dot. Dans certains cas cependant, le maître donnait une de ses filles
au ntobo qui avait rendu de grands services.
En somme, le désordre sexuel qui peut apparaître de ces unions et relations était minimisé par le fait que
le résultat qui était les enfants était bien sûr accueilli comme un profit. Car le garçon tout comme la fille
sont des signes de richesse. L’un est chasseur et guerrier, l’autre cultivatrice et reproductrice. Ils assurent
ainsi la puissance et la richesse de leur détenteur. Et un adage est fort significatif à propos : « si tu
entends dire "richesse", sache qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’êtres humains ». On pourrait
néanmoins dire que par le fait même la femme revêt une importance notoire puisqu’elle constitue un
bien, une source de grandeur, de richesse, de prospérité, de paix pour les siens. Et cette valeur de la fille
apparait dans les procédures normales d’acquisition d’une épouse.


Des Mariages Arrangés dans les Temps Anciens


Précédemment nous avons fait l’inventaire des formes de mariages dans la société beti ancienne. Et nous
avons signalé plusieurs types ou alors plusieurs façons de se marier. Et parmi les formes évoquées, il y
avait le mariage arrangé.
Cette forme de mariage demandait une entente entre les parents des deux conjoints ou tout simplement
un arrangement sans tenir compte de l’avis de l’un ou de l’autre des conjoints.
La principale justification donnée à cette pratique était que les jeunes n’avaient pas une bonne
appréciation car n’ayant pas l’expérience des anciens ou des vieillards qui en ont vu de plusieurs
couleurs. En outre, le jeune qui devait prendre femme n’ayant pas les moyens propres pour payer la dot,
c’est son père qui était chargé de payer cette dot. C’est lui donc qui avec l’avis de sa femme portait le
choix sur une fille habituellement dans une famille que les deux connaissaient très bien depuis
longtemps.
Quant aux critères qui déterminaient le choix, outre le fait de bien connaître la famille, plusieurs qualités
devaient être observées non sur la femme à épouser, mais sur ses parents et de préférence sur la belle-
mère. Car pour les Beti anciens, il fallait tout simplement appliquer l’adage selon lequel « si tu veux
connaître comment l’antilope se comporte en brousse, observe le mouton au village ». En d’autres
termes, pour connaître le comportement d’une fille, observe sa mère.
Pour cela, le père ou la mère du jeune homme devait avoir passé des jours dans la famille ou alors chez
les futurs beaux-parents de leurs fils. La mère s’occupe-t-elle bien de son mari? Et sa case, est-elle bien
entretenue, l’intérieur, les ustensiles. Comment s’adresse-t-elle aux personnes dans sa maison, à son
mari? Ces critères sont ceux que la mère du garçon doit observer chez son homologue avant ceux qui
engagent la pérennisation du lignage, ou le bien-être de toute la famille.
Ainsi donc, parmi les autres critères qui entrent en jeu, nous pouvons citer la force au travail de la belle-
mère, sa fécondité car une femme qui ne faisait pas beaucoup d’enfants n’était pas considérée dans la
société beti. Il faut choisir la fille d’une femme dont la famille n’est pas citée dans des problèmes de
sorcellerie, d’adultère, mais plutôt une fille dont la mère est issue d’une famille riche, de grande
renommée, travailleuse. Car ces qualités, la fille pourrait les avoir dans sa nouvelle famille et les
transmettre à ses enfants.
Ce sont là des critères primordiaux qui justifient le choix que les parents faisaient pour leur fils. Dès
lors, ces qualités observées, le père allait auprès des parents de la fille pour « consigner » la femme qui
parfois n’était même pas encore en vie. Car des fois la mère était encore enceinte. La démarche adoptée,
le lecteur peut la retrouver dans l’article sur les formes de mariage.

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