La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

de son père. Puis il devait toujours avec l’aide des autres initiés pouvoir déterrer les crânes des étrangers
dans la mesure de ses possibilités. Déterrés, ces crânes étaient d’abord placés dans une marmite
médicinale appelée « etog », afin de se débarrasser des matières organiques résiduelles encore présentes.
La réussite de cette entreprise était célébrée, à sa juste valeur comme un triomphe, une victoire de guerre.
Des cornes, plongées dans cette marmite qui était supposée détenir des pouvoirs magiques
exceptionnels, servaient d’amulettes aux initiés. Puis l’initiateur faisait sculpter dans un bois (ekud, d’où
dériverait l’appellation « Nkug » ou esprit, génie). Les statues des ancêtres dont les crânes venaient
d’être déterrés. Il y avait donc sculpté, la statue du père habituellement le fondateur du lignage, de la
mère, et d’un fils qui était supposé commettre l’inceste avec sa mère, scène représentée aux femmes et
aux enfants lors de leur initiation. Ces statues laissaient d’ailleurs entrevoir toutes les parties génitales
des personnes. Pour accomplir l’initiation, le grand initiateur se faisait aider par les autres initiés
(minkug).


L’initiation commençait par le passage d’un trajet en brousse, jonché de fosses et autres obstacles, et se
terminant par des souterrains. Elle se déroulait (l’étape) dans l’obscurité, en pleine nuit. Si un mvôn
melân (aspirant) tombait dans une fosse ou échouait face à un obstacle, il devait payer pour s’en sortir.
De ce point de vue, le melân assurait de nombreuses richesses au grand initiateur. Car pour ne pas être
emporté par les fantômes (telle était la croyance) et pour bénéficier de la protection et de l’attention des
ancêtres fantômes, le mvôn ne pouvait compter que sur son maître. C’est pourquoi il devait payer cher.
Précisions ici que d’autres obstacles présentés par les mikug le long du parcours parsemaient le trajet.
Sorti des souterrains, la traversée est appelée « Medan éndam » ou la « traversée de l’Endam », le fleuve
des morts. Le Mvôn est conduit à l’esam melân par un souterrain, accompagné par les vis et
gémissements des minkug, destinés à lui faire peur et donner l’impression d’être entouré de fantômes.
Bousculé, empoigné, molesté, il parvient enfin (après avoir payé en bikié) à la case-atelier, où, dans un
trou appelé nda minkug : « case des génies », lui apparaissent les statues cette fois en argile représentant
ses ancêtres, avec à leurs pieds le sac contenant les crânes déterrés, appelé « ngun melân ». Cette partie
était considérée comme la rencontre avec les grands-parents ou ancêtres morts. Ainsi outre les statuettes
d’argile, on faisait parvenir, à la lueur du feu et à travers les fenêtres, le passage des génies, accompagné
d’une musique de balafon nommé « melân » ; du nom du rituel. La première était terminée.


La deuxième phase démarrait par la confession de chaque aspirant qui devait en outre donner des
présents aux officiants, durant cette partie, les candidats dansaient avec les minkug qui représentaient
un couple nu s’accouplant. Puis on explique aux candidats, la signification de la traversée de l’Endam.
C’est ici également qu’un enseignement ésotérique leur est donné avec les secrets du rituel.
Ceci terminé, les « génies » leur faisaient visiter les statuettes, les yeux clos, ainsi que des formes
animales et humaines, expressions peinturées des fantômes. Des interdits leur étaient donnés dont celui
de faire l’acte sexuel de jour ; car le rituel se déroule de nuit tout comme les fantômes n’agissent que de
nuit.
Cette deuxième phase se déroule en plein jour, c’est la phase de prise de la drogue : il s’agit d’un mélange
d’écorces qu’on donne aux candidats assis à même le sol, à mâcher, au son du tam-tam et des balafons.
Ils vont l’un après l’autre entrer en transe puis s’écrouler. Ils sont alors transportés derrière l’esam pour
un voyage dans l’au-delà. Après un certain temps, ils sont ranimés à l’aide du jus de citron et de l’eau
pimentée. Ils se rendent au ruisseau se baigner, se badigeonnent de fard de padouk, revêtent des
feuillages et en font autant des crânes. Après avoir offert des offrandes au « ngun melân », ils reviennent
au village, courbés sur un bâton, mimant les vieillards et les ancêtres qu’ils sont devenus, prêts à recevoir
la bénédiction des crânes. On appelle cette marche la « procession des infirmes ». Les candidats sont
désormais prêts à recevoir leurs talismans.
C’est la phase finale de l’initiation. Elle a lieu sur la place du village. Tous les crânes sont disposés en
demi-cercle et dessous on fait brûler la résine : « otù ». Sur un autre bûcher allumé, d’autres crânes sont
déposés et les acteurs dansent tout autour. Dans un sac en peau de civette ou de chat sauvage, le candidat
place la cendre recueillie du bûcher, des piquants de porc-épic, des épines, du bâ (poudre de padouk)
parfois de la poudre à fusil, des dents de cadavre, des petits morceaux de cervelle. Ces éléments vont
assurer la protection du propriétaire.

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