La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

et ses camarades. Tous devaient ensuite se rendre à l’esam pour goutter la graisse du sô (avon sô) où on
mêlait tous les animaux interdits aux profanes et aux femmes : l’antilope sô (principal élément du rituel),
le varan, porc-épic, potamochère, ovin ... Pendant que les candidats mangent ce tabou, l’organisateur
(fautif) est conduit vers la marmite médicinale qui était placée près du ndzôm sô, où l’on laissait pourrir
les entrailles et excréments de tous les animaux tués lors des parties de chasse. Il est aspergé de ce
mélange et son nsem était considéré désormais comme remis, expié. Après ces cérémonies, les candidats
étaient soumis à des incantations de bénédictions et de malédictions contre tous ceux qui leur voudraient
du mal. Ceux venus des environs s’en allaient.


Pour ces candidats à l’initiation trop fragiles encore qui n’ont pu prendre part à la « poursuite de l’initié
» ; et encore au passage dans le souterrain, on les soumettait à une épreuve appelée « Sô atin esong » (le
Sô au pied du sissongo). Elle donnait la permission de manger les aliments interdits, mais dispensait du
prestige qui s’attachait à ces deux épreuves occultées. Quant à l’épreuve proprement dite, consiste à
s’enrouler sur des feuilles de bananier posées au sol et saupoudrées d’orties urticantes, de fourmis et de
gousses qui grattent le corps et le mettent en feu. On dit alors que le candidat a « mangé la peau du sô
». Lorsque le candidat se relève, on lui remet une tige de sissongo ; d’où le nom de l’épreuve.
Au sortir, tous les interdits alimentaires et ceux en rapport avec le groupe sont rappelés aux candidats,
et le sceau du secret scellé. Car les femmes et les profanes ne sont toujours pas de retour au village et
ne doivent rien savoir sur le sô.


Les désormais initiés sont parés de divers objets : dents de panthères, colliers divers. Ils doivent
cependant encore rester en brousse un certain, pour faire disparaître toutes les traces laissées par les
sévices corporelles et parachever les enseignements des vieux. Durant cette réclusion, ils chassent,
pillent les villages voisins en secret, provoquent et se battent : il faut bien prouver qu’ils sont désormais
des hommes. La deuxième phase de la réclusion est consacrée à l’exhibition, dans les villages, tout
parés, sous la direction des initiés. C’est durant cette période qu’ils peuvent aussi visiter un « esam sô »
ailleurs, y faire tout le désordre qu’ils voudraient. Cependant, pendant cette réclusion, les mères
continuent de venir déposer des vivres sous les murs de la cabane. En somme, le temps de réclusion est
une période de récupération, mais marquée par l’agressivité des candidats : ils sont craints, violents,
hargneux. Durant toute cette période, les mères n’ont aucun droit de voir leurs fils. Même en cas de
décès durant la réclusion qui durait longtemps, seul le père ; initié lui aussi, était tenu au courant. La
mère restait dans le black-out total, attendant le jour de la sortie.


La sortie de l’Esam Sô

Le jour où les candidats arrivent au village, ils sont tous fardés d’argile blanche, coiffés de la couronne
guerrière de plumes multicolores. Leurs accoutrements durant le séjour en forêt est abandonné dans un
cours dont les femmes sont tenues durant une période à elles indiquée, de pécher et d’en manger le
poisson. Le jour de la sortie est jour de fête, ils sortent voutés sur leurs cannes et font neuf fois le tour
du village. Ils vont petit à petit abandonner le blanc de la sortie et reprendre le rouge du baa. Avec cette
sortie, le désormais mkpangos/mkpwangos reçoit des protections contre des malfaiteurs visibles et
invisibles : son sac, sa corne, sa flèche, toutes sortes de talismans contre le vol, la sorcellerie... Au terme
de ce long parcours initiatique, quelles interprétations peut-on dégager du Sô.


Interprétations

Superficiellement observé, le So peut apparaître comme une fête, une occasion pour les vieux de
s’empiffrer de nourritures, en infligeant des peines aux jeunes alors que la faute était habituellement
d’un adulte souvent initié. Il n’en est pourtant pas le cas. Nous avons déclaré que pour le Beti/fang, la
vie se résumait et ne se réalisait que par rapport au groupe, dans le groupe et pour le groupe. C’est
pourquoi un « nsem » commis par un tiers engage tout le lignage et l’affecte entier. C’est pourquoi le
rachat et l’expiration sont aussi collectifs, pour remettre l’ordre social en place. Cette solidarité aussi

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