La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

bien dans la joie que dans la peine se montre quand le fautif doit payer la « hutte » ; c’est tout le village
qui participe lors de sa quête. Et l’initiation qui survient à l’occasion de l’expiation d’une faute est
également collective. Et d’ailleurs les compagnons d’initiation ne forment plus qu’une seule et même
personne.
A côté de cette « rédemption » du « perdu », le rituel sô constitue une sorte de « service militaire », de
passage pédagogique, une entrée dans la nouvelle société des hommes accomplis, la séparation du
monde des profanes et l’agrégation au cercle des membres du cercle des hommes, capables de défendre
le groupe et de sagesse. Le jeune à initier étant le patriarche de demain appelé à diriger comme
aujourd’hui son père devait apprendre l’endurance, à surmonter la peur et la naïveté, à être impavide et
sceptique : un vrai homme.
Le rituel du sô constitue également un passage cosmique. C’est une alliance faite entre les mvôn et les
ancêtres, leur passage par le « soñ si » (tombeau souterrain) est une mort symbolique, une descente vers
les morts, les ancêtres. Ceux-ci résidant dans la forêt (cours d’eau, arbres) une bonne entente et la
familiarité avec les mvôn sont nécessaires à ces derniers, indispensables, à ces désormais chasseurs-
guerriers.


Enfin le Sô apparaît comme un enfantement à la société des hommes. En effet, les hommes jalousent les
femmes qui ont la faculté de mettre au monde, de pouvoir façonner un être humain, les hommes donc
opèrent une sorte de dénégation de la capacité naturelle des femmes pour ne reconnaître comme
primordiale que la reprise culturelle du phénomène dont l’objet est le seul être complet qui est le garçon
et son auteur le père. C’est l’homme ici qui donne vie à un « homme accompli » ; un « vrai », tout
comme il crée le village. C’est ce qui justifie l’usage récurrent des excréments utilisés pour la fondation
d’un village, la création d’un lignage. Les multiples insultes à l’adresse de la mère sous l’instigation de
l’initiateur prouvent bien la méprise envers la femme dès l’initiateur. Le parrain, « père du Sô » apparaît
alors comme le géniteur social de l’enfant. Et le Sô par cette parthénogénèse crée une société mâle de
guerriers-chasseurs, il introduit au club des « hommes faits ».


Les Rituels Féminins


Comme dans plusieurs sociétés traditionnelles précoloniales, chez les Beti, les
femmes avaient leurs rituels propres où la présence masculine était strictement
prohibée, parfois menacée de mort ou de maladie.
Ces rituels avaient pour but d’expier un mal commis par une femme, conjurer
une maladie ou une malédiction et aussi assurer l’abondance et la fécondité
dans des activités aussi bien pratiquées par elles que par leurs époux.


Le Ngas

C’était un rituel pratiqué par des femmes pour punir l’une d’elles qui avait
commis une faute. Le Ngas se pratiquait en brousse, au bord d’une rivière. Pour le chercheur P.L. Tolra,
le Ngas se pratiquait lorsqu’une femme avait un nsem (un péché) à expier.
L’on peut dire qu’il constituait une réplique féminine du Sô pratiqué par les hommes, à la seule
différence que c’est la femme qui doit avoir commis la faute, pas un membre de sa famille. Comment le
Ngas se célébrait-il?
Lorsqu’une femme était déclarée coupable d’une faute, la « mère » du Ngas organise le rituel puis toutes
les femmes organisent une expédition vers le cours d’eau choisie. Arrivés en forêt, toutes les femmes se
dénudaient et l’on faisait se coucher la fautive qui confesse tout le mal qu’elle a fait ; après quoi la
célébrante lui mettait une fourmi aux pinces bien acérées dans le vagin pour pincer et piquer le clitoris.
Pendant ce temps, les autres femmes et les jeunes filles candidates à l’initiation dansaient autour de la
femme couchée. Puis la célébrante (nyia ngas) prépare une mare artificielle dans laquelle elle met du
piment, des écorces et des herbes urticantes. Puis on y faisait s’asseoir les jeunes mvôn ngas (candidates

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