La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

également le peu de considération accordée à un enfant né hors mariage, donc de père « inconnu ». Un
tel enfant était un « zeze mod » « Zezé môt » ; homme de rien, vide, son père n’ayant pas continué à
alimenter sa formation, à le nourrir de sa puissance par l’acte sexuel continu après la conception. Cette
idée sous-entend qu’en chacun il y a un évu latent, inconscient donc inactif qu’il suffit de « réveiller »,
d’initier ou d’activer pour faire de son propriétaire un sorcier actif qui prendra part aux réunions de
sorciers. Tout homme serait donc un potentiel sorcier.


La deuxième forme de transmission de l’évu est
intentionnelle, à des fins néfastes, meurtrières. Cette
transmission se fait par l’action d’un nnem (sorcier)
confirmé, au pouvoir puissant. Selon les Beti, cette
transmission se fait entre personnes de même sexe.
Ainsi pour ce qui est de la transmission de l’évu à une
petite fille, la femme (presque toujours âgée) le fait au
champ, à la maison ou alors lors d’une partie de pêche
(alog/alôk). Elle peut lui donner à manger un mets
envouté, et lui demander en retour un membre de la
famille. Parfois, elle mettra la fillette dans la claie suspendue au-dessus du foyer, fait des incantations
au cours desquelles elle dit à la désormais nnem ce qu’elle aura à faire : désobéissance envers les parents,
interdiction de faire des enfants... Cela est appelé en dialecte beti-fang akyae, akye, aka’aé. Pour
parachever l’initiation vampirique de l’enfant, la sorcière lui fera goûter du sang (du sang de chèvre,
chien, de personne) éveillant par le fait même l’avidité de sang de l’évu activé.
Pour les garçons, le vieil homme donne une partie de son propre évu au garçonnet. Si ce dernier peut
l’avaler, il sera désormais sorcier car son « parrain » conduira ses premiers pas dans les rendez-vous
nocturnes. Si le garçon est incapable d’avaler l’évu à lui donné par le vieillard, il sera malade et
nécessitera les soins d’un ngengañ pour guérir. L’initiateur une fois l’évu donné, va également dans ses
incantations recommander à l’initié une action semblable à la sienne. Puis il lui fait également gouter
du sang.


Ainsi doté de la force nécessaire pour faire de la sorcellerie, le nouvel initié va intégrer le cercle
ésotérique des beyem, cercle qui se caractérise entre autres par une guerre permanente, une compétition,
un affrontement continu entre ses membres. Cette guerre se justifiant par le fait que certains membres
ne respectent pas toujours leurs devoirs.
En effet, dans ce cercle de vampires, chaque membre est appelé à donner un membre de sa famille pour
le festin organisé chaque nuit ; ce serait donc une forme de cotisation. Celui qui ne cotise pas est donc
combattu par les autres sorciers ; qui finissent par « manger » celui qui a mangé sans vouloir à son tour
donner à manger.
Et jusqu’à ce jour, il est encore fréquent d’entendre une personne sur le point de rendre l’âme confesser
en reconnaissant appartenir à une « tontine » qui lui réclame de payer ses dettes auprès de la
communauté. Il faut maintenant voir comment les sorciers se rendent à ces réunions de vampires dont
les Beti/Fang s’accordent à dire qu’elles se tiennent chaque jour, de nuit, au niveau du village, du pays
et même au niveau mondial car certains ont déclaré être allé en Europe, en Amérique en sorcellerie.


Pour se rendre à une réunion de sorcellerie, les Beti s’accordent sur le fait qu’ils le font nu, beau/belle,
jeune, en un mot transformé, transfiguré. C’est ainsi qu’on vous dira que tel vieil homme ou telle vieille
femme bien sale, pouilleux et misérable est une jeune personne bien soignée, nantie, vivant dans une
villa ou un château et se déplaçant dans une rutilante voiture, ou un avion dernier cri, et présidant aux
destinées de cette réunion qui rassemble des personnes de différentes origines et de classes différentes,
se rendre à une réunion de vampires montre une fois encore la superpuissance supposée de l’évu, capable
de transformer un balai ordinaire vu de jour, un assemblage grossier de moelle de raphia ou de bambou
en un avion capable de faire des voyages intercontinentaux. Difficile encore d’admettre une tige de
feuille de papayer représentant un tam-tam capable de communiquer avec les autres sorciers situés à des
dizaines de kilomètres. Un sorcier soutiendra pourtant que cela est vrai.

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