La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

Pour ce faire, il prépare un mets dans lequel on retrouve des herbes médicinales, un œuf. Le tout est
emballé dans des feuilles et cuit à la vapeur. Pour le donner au malade, il se place dos à dos et lui donne
à manger sans qu’ils se regardent. Un évu ainsi traité ne peut plus « sortir », et son possesseur devient
un mimie, un innocent, ignorant l’activité nocturne. Il faut bien reconnaître que la liste des maladies et
des traitements appropriés est longue, seuls les cas les plus fréquents ont été recensés.


Si le quotidien du nnem (sorcier-possesseur de l’évu) est fait de sorties nocturnes, de festin cannibale,
de guerres et d’affrontements avec les autres sorciers, celui d’un mimie (innocent, ignorant les délices
des voyages intercontinentaux) est bien plus calme, plus sain, loin du sang et de la chair humains.
Un innocent est préservé de l’attaque des sorciers tant que son évu n’a pas été initié à la sorcellerie. Son
sommeil est calme et pour que les attaques des sorciers l’atteignent, il faut que son évu soit activé. Or il
est difficile d’activer un évu latent d’une personne adulte. Car tous les cas d’initiation à la sorcellerie
sont signalés sur des enfants assez âgés pour supporter la puissance qu’on éveille et suivre les pas de
son initiateur.


En regardant bien la société fang-beti, sous l’angle de la sorcellerie, l’on s’aperçoit qu’elle se scinde en
deux groupes ; le groupe des sorciers (beyem), savants et celui des innocents, ceux qui n’ont rien à voir
avec la guerre perpétuelle que se font les membres du premier groupe.


Nous pouvons conclure que la pratique de la sorcellerie, science occulte, est conditionnée par la
possession d’un évu activé, force ou pouvoir du mal, par essence destructeur. La survie des sorciers est
assurée par la science des mingengañ ; sorciers-guérisseurs qui ont la maîtrise et le pouvoir de soigner
ceux qui ont été victimes des affrontements continus que se livrent les sorciers à chaque sortie nocturne.
C’est pour échapper à l’emprise de cette force dévastatrice et meurtrière, introduite dans la société par
une femme, que les anciens Beti-Fang ont institué des rituels protecteurs au cours desquels étaient
organisées des ordalies, des séances de confession publique. Également les anciens Beti ont eu recours
à des charmes et remèdes de protection, qui imposaient parfois des interdits dont le bris imposait des
rites de purification. Et pour tout dire, la sorcellerie est toujours considérée comme une force négative
dont on renie tout acte bénéfique.


Sorcellerie et Culture


Pour qu’un Alter accepte un Ego, le premier doit tolérer la différence du second et vis-versa. Et ce qui
fait la différence de l’un et de l’autre dans une situation de communication c’est la « Culture ».


La plus grande définition de la culture est celle de ce grand penseur : « la culture c’est ce qui reste
lorsqu’on a tout oublié ». La culture engage les profondeurs de l’être et constitue la personnalité de base
d’un individu et ne saurait être ni ébréchée ni évitée. Elle est le fondement de la personnalité sociale qui
est celle qu’un individu donné voudrait exhiber.


Dans l’âme africaine, tapissent deux grands éléments qui marquent sa culture.


Jadis, les enfants de l’Afrique réfutèrent de toute leur lucidité philosophique les thèses
européocentriques qui les méprisaient en leur reprochant d’être prélogiques, sans raison, et d’être les
vivants essentiellement émotionnels et voire émotifs. Or, à dire vrai, et sans verser dans
l’européocentrisme, tout blanc et jaune qui vient passer son premier séjour en Afrique se rend aussitôt
compte que tout le monde est rompu à la croyance de deux choses : la Religion et la Sorcellerie. Ainsi
on attribue la source de tout ce qui arrive soit à Dieu, soit à la sorcellerie. Ces deux forces dirigent alors
tout, et les individus ont aussi leur appartenance dans l’un ou l’autre de ces camps.


« La religion et la sorcellerie sont de la culture des Africains. Il n’existe nul coin en Afrique, nulle
culture en Afrique où Dieu et la sorcellerie n’influent ».

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