La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

l’ennemi : le serpent noir et la panthère. Il s’agirait en fait des ancêtres revenus sous forme animal pour
veiller sur ses petits-fils.
Notons que les totems étaient inoffensifs et par ricochet ne devaient être attaqués. Selon un témoignage,
la panthère aurait été abattue par un certain Kane Monamvom, fondateur du quartier Mekok à Tchangué
à 28 kilomètres d’Ebolowa, Province du Sud-Cameroun. Et le sort qui lui a été réservé fut sans appel :
« Toute la grande famille Kane Monamvom devait enfanter des déséquilibrés mentaux ». Fait qui se
vérifie jusqu’à nos jours.


Témoignage


« Alors que votre éditeur, Koulou Adrien était en classe de 5ème au village, mon père tua un serpent
noir, totem de la famille Monamvom Ze (Mfou’ou Ze), j’avais un ami au nom de Zanga Pierre D. qui
devait partager le repas fait de la viande de serpent noir avec moi alors qu’il savait qu’il était strictement
interdit aux descendants de Monamvom Ze d’en manger. Après avoir fini le repas, ce petit-fils de la
famille Monamvom Ze a été attaqué subitement, c’est-à-dire dans les 24 heures qui suivaient, d’une
grande éruption de teignes, de gales, de violentes douleurs abdominales, juste parce qu’il avait
transcendé l’interdit. Il ne fallut que l’intervention d’un notable pour lui faire des bains faits à base de
feuilles et d’écorces d’arbres ».


C’est dire ici que les interdits, pas une simple spéculation, quiconque transcendait celle-ci était frappé
par les forces ancestrales.


La Fonction Classificatoire Des Interdits


Ils permettaient de discriminer les non-initiés, les enfants, les esclaves, les adultes et les femmes. La
nourriture étant le discriminant social principal dans cette société, où l’acte de manger occupe le centre
symbolique relationnel, puisque sorcellerie et sexualité y sont rapportées et que la qualité sociale se
traduit par la qualité des aliments, il était donc très important d’apposer des interdits pour que chaque
classe sociale soit distincte de l’autre à travers un mode de vie précis.


Le rituel « Sô » lève la plupart des interdits concernant les animaux sauvages que le jeune homme devenu
guérisseur chasseur est désormais en principe capable de tuer lui-même des anthropoïdes ou le léopard,
faculté nouvelle que résument les deux animaux éponymes du rituel l’antilope (Sô) et le serpent python
(Mvom).
Cependant, il faut attendre d’être marié, autrement dit d’être installé et soi-même propriétaire d’animaux
domestiques, pour avoir droit au kâbad, kabat, c’est-à-dire à l’ovin, ou caprin et il faut attendre être
nyamôtô (initié, âgé), pour se voir conférer par les autres. Le droit de manger la vipère dont la possibilité
agressive et les concrétions graisseurs font l’aliment noble et délectable par excellence.
D’autres mets sont réservés aux vieillards parce qu’ils n’ont plus grand-chose à perdre. Ainsi, les pattes
de poulet rendraient les jeunes fatigués, fainéants et ridés.
Le vieillard qui n’a plus rien à faire qu’à se reposer peut en manger, ainsi que la tortue, victuaille
succulente réservée aux vieux et aux vielles, qu’elle évoque à la fois par son apparence et par la sagesse
qu’on lui prête. Il existe cependant des interdits qui demeurent toujours respectés par tous. Ce sont des
animaux qu’on ne mange pas juste à cause de la laideur et liée à la mort. Comme l’awun, personne ne
mange non plus le caméléon, ni le lézard à cause de leur lien légendaire avec la mort, ni les hiboux qui
pourraient, ni le contenu des défenses d’éléphants, mou et amer qui rendraient impuissant, ni les
crapauds.


A côté des interdits alimentaires, nous avons également des interdits moraux, ceux de la sorcellerie et
de la sexualité : le vol, l’inceste et de l’épanchement de sang dans le lignage, ils constituaient une telle
réglementation que Tessman note qu’il est tout à fait possible de ne pas y manquer. De fait, les souvenirs
d’infractions (Minsem) abondent dans le mémoire des vieillards. Mais c’est peut-être au prix de cette
réglementation tatillonne que l’ordre social d’autrefois subsistait.

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