La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

Quant aux interdits, ils étaient des leviers qui permettaient le contrôle du groupe social, mais aussi la
stratification de la société, une espèce de barrière également qui maintenait la cohésion du groupe.


De l’Akomeya/Ekôma’a


« Akomeya/Ekôma’a », mot dérivé du verbe « akôm » qui signifie : « fabriquer, façonner, tailler... Le
mot fait peur à plus d’un aujourd’hui dans les sociétés fang-beti. En même temps il est l’objet de
disputes, de divisions dans les familles. Pourtant de nos jours il est rare d’entendre encore dire que l’on
a « façonné un enfant ». Les raisons sont multiples.
« Fabriquer » un enfant ou « akom moan/e kôme mon » signifiait pour nos ancêtres, les Beti anciens,
prédestiner le nouveau-né à un parcours particulier dans la société. Ce parcours devait assurer le
rayonnement social, la réussite sociale du concerné. Pour ce faire, façonner un enfant était une entreprise
de personnes de bonne volonté. Toutes les personnes qui ont entendu parler de cela sont unanimes sur
ce point. De même, tous s’accordent à reconnaître que c’est à la naissance, lorsque l’enfant était encore
bébé qu’une personne de sa parenté préparait l’objet symbolique qui allait être remis à l’adulte plus tard.


Cette préparation consistait à charger l’objet qui pouvait être une dent de panthère, une griffe, une
coquille... Cet objet ainsi chargé allait s’accomplir au fur et à mesure que le propriétaire grandissait.
Son action pouvait alors commencer.
A la question de savoir où il restait pendant ce temps, il revient que lorsque l’auteur finissait le travail
de chargement, il remettait l’objet-symbole à une personne qu’il jugeait digne de confiance. C’est cette
personne qui assurait la garde jusqu’à l’âge adulte du propriétaire.
C’est au gardien que l’auteur transmettait également les interdits que devait observer le propriétaire de
l’akomeya/ékôma’a une fois qu’il entrera en sa possession. Il faut cependant préciser que dans la plupart
des cas, le propriétaire en grandissant ne savait pas qu’une chose de ce genre lui était destinée, jusqu’à
ce que le gardien l’estime assez mûr pour prendre son dû.
C’est au gardien également que revient la responsabilité des dérapages observés à propos. En effet
plusieurs familles Fang-Beti ont connu de graves dissidences internes, d’autres ont connu des morts,
risquant l’éradication complète parce que l’akomeya/ékôma’a avait été remis à quelqu’un d’autre par le
gardien. Cette erreur était terrible de conséquences.


En effet, à part les querelles entre le propriétaire légitime et l’inconnu à l’akomeya/ékôma’a qui l’avait
reçu, il arrivait souvent que l’objet disparaisse pour échapper aux disputes. Dans le pire des cas, il causait
la mort partout autour de lui, à commencer par l’intrus qui l’avait « profané ». D’autres fois, c’’est le
dépérissement de la famille que l’on observait. Et tous ceux qui étaient au courant de ce qui causait les
dégâts ne demandaient qu’une chose : Que l’objet revienne au propriétaire.
Des problèmes de ce genre, beaucoup de Beti-Bulu-Fang en ont entendu parler dans nos villages. Cela
est en partie responsable de la perdition de ce pouvoir que tous s’accordent à reconnaître.
Au cas où cet akomeya/ékôma’a parvenait sans heurts au propriétaire, ce dernier n’avait qu’une chose
à faire : respecter l’interdit y relatif, qui pouvait être par exemple de ne jamais coucher avec la femme
de son frère, ou une femme du village ou quelque autre interdit.


Si l’interdit était rigoureusement observé par le propriétaire, alors l’akomeya/ékôma’a remplissait tout
ce qu’il avait à faire. Et pour cela, il n’avait besoin d’aucune aide externe. Il faisait ce qui lui a été dit
lors de sa confection.
Si l’interdit était transgressé par le propriétaire, alors celui-ci connaissait l’échec, la disette, la mort...,
et même l’objet pouvait disparaître pour toujours. Disons cependant que si le dépositaire de
l’akomeya/ékôma’a le gardait bien jusqu’à sa vieillesse, au moment de sa mort, il remettait l’objet à un
de ses enfants, de préférence un garçon s’il était déjà majeur, ou alors à une parenté qui devait le remettre
à quelqu’un au choix lorsqu’il atteignait la majorité.
Beaucoup de nos informateurs nous ont affirmé qu’une femme à qui on remettait l’akomeya/ékôma’a
pour elle-même ne faisait pas d’enfants, car elle devait être façonnée tel un homme. A la question de

Free download pdf