La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

Proverbe : La dernière demeure d’une feuille se trouve au pied de l’arbre.
Ce proverbe véhicule une philosophie de la prémonition et de l’avertissement. Le Beti est bien conscient
du fait que rien n’est éternel, qu’aucune condition n’est permanente. En fait, le Beti vit dans la forêt
tropicale humide ; celle-ci se distingue par l’exubérance de la couverture végétale qui, en dépit des
saisons, est toujours verte. Nonobstant cette illusion de la permanence du feuillage des grands arbres de
la forêt, il arrive nécessairement un jour où une feuille retombe de manière individuelle. Cette sagesse
peut s’appliquer à plusieurs situations.
En premier lieu, elle peut s’appliquer à la vie en général ; la flamme de la vie est permanente. Les
hommes ont vécu dans le passé, ils vivent actuellement et vivront dans le futur. Mais l’homme est voué
à la finitude. C’est donc individuellement que chaque être humain mourra car il porte à chaque instant
de sa vie le sceau de la mort.
En deuxième lieu, cette sagesse trouve un terrain d’application sur le plan social. Par son effort personnel
ou alors aidé par la conjoncture, l’homme peut gravir l’échelle sociale et se hisser au sommet. Mais il
ne doit pas se contenter de cette position pour narguer ses semblables. Car aucune condition n’est
permanente.


Enfin, l’avènement du phénomène urbain dès le début de la colonisation a favorisé l’exode rural. De
nombreuses personnes se sont trouvées ainsi coupées de leur village natal et des valeurs ancestrales
qu’ils regardent avec dédain. Ce proverbe est donc une invitation à retrouver ses origines, les siens, car
en fin de compte c’est parmi les siens que l’on finit le plus souvent ou presque toujours.


Thématique Relative aux Abstractions Personnifiées


Par abstractions personnifiées, nous faisons référence à des valeurs dynamiques et moralisantes. Ces
dernières ont un statut permanent et enseignent de par leur seule évocation.


Proverbe : Quand la rivière est à sec, l’eau ne coule plus.
Proverbe : La hache cassée, l’abattage s’arrête.
La forêt constitue le milieu naturel de vie des Beti. Ils travaillent au quotidien à la mettre en valeur, soit
pour construire des maisons, soit pour cultiver. Les nombreux arbres qui pullulent la forêt sont ainsi
abattus, à mains nues grâce à l’utilisation de la hache, outil qui se compose d’un long manche en bois et
d’une épaisse lame de fer. S’il arrive donc qu’au cours d’une séance d’abattage, la hache vienne à se
casser, le travail s’arrête tout de suite, puisque l’abatteur n’est pas toujours un artisan capable de
fabriquer un manche.
La moralité de cette sentence est que l’on ne peut exiger de quelqu’un ce qui lui est impossible de faire.


Un autre proverbe équivalent est :


Proverbe : A l’impossible nul n’est tenu.
Proverbe : Les lèvres se referment, de peur que la bouche ne dise tout.
Ce proverbe emprunte à la philosophie de la parole. La bouche contient le principal organe de la parole
: la langue. Les lèvres jouent le rôle de garde-fous pour empêcher la langue de dire n’importe quoi. On
ne parle pas n’importe comment, n’importe où, n’importe quand. La société traditionnelle beti étant
essentiellement orale, la parole occupe une place de choix dans la conduite des affaires de la
communauté. La palabre est l’instance qui connaît les problèmes inhérents au bon fonctionnement de la
société. Cependant, il y a des moments où la sagesse recommande le silence. Parce que celui qui veut
prendre la parole n’a pas suffisamment d’éléments d’appréciation lui permettant de prendre position, ou
tout simplement pour ne pas dire des paroles qui pourraient être regrettées plus tard. Les Anglo-Saxons
disent en la matière : « Speech is silver, but Silence is golden ».


Proverbe : La femme est épi de maïs sec, la broute quiconque a de bonnes dents.
Ce proverbe nous donne une idée de l’image de la femme dans la société beti, mais en plus il nous
prescrit une philosophie de l’action.

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